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ANALYSES.v. van der haegen. Geulincx, etc.

L’ouvrage est divisé en trois parties : la première est consacrée au séjour de Geulincx à Louvain et à Leyde ; elle nous donne la biographie et l’origine des idées de Geulincx ; la seconde est un essai sur sa philosophie. Après avoir rappelé les travaux antérieurs, les œuvres de Geulincx, l’auteur examine successivement les doctrines de Geulincx sur le moi et Dieu, sur le monde extérieur et le monde des apparences, sur la connaissance, sur la philosophie pratique, la place de Geulincx dans l’histoire de la philosophie cartésienne. La troisième partie, intitulée Geulingiana, traite des emprunts faits à Geulincx par d’autres philosophes, des admirateurs et des détracteurs de Geulincx ; elle donne la bibliographie de Ruardus Andala, de Bontekoe, de Geulincx, une liste des bibliothèques où se trouvent les œuvres de Geulincx, enfin quelques actes concernant sa famille.

Nous n’avons guère qu’une critique à faire à cet ouvrage, et cette critique sera, aux yeux de beaucoup de lecteurs, un véritable éloge. Nous regrettons que l’auteur n’ait pas fait de sa bibliographie si complète et si bien faite le point de départ de son exposition ; qu’il n’ait pas suivi chronologiquement le développement de la pensée de l’auteur au lieu de nous montrer sa philosophie dans des cadres tout faits, dont le moindre danger est de donner à une doctrine une apparence trop moderne. Et cela eût été d’autant plus utile dans le cas présent que peu de gens sont à même de consulter les œuvres complètes de Geulincx, pour se rendre compte par eux-mêmes des variations philosophiques d’un homme qui, catholique jusqu’à trente-quatre ans, pourvu même d’une prébende de chanoine à la basilique d’Aix-la-Chapelle, était devenu calviniste à Leyde, qui se rendit suspect, semble-t-il, dans cette dernière ville au parti protestant orthodoxe. Y a-t-il dans la pensée philosophique de Geulincx l’unité systématique qui fait défaut à sa pensée religieuse ? M. Haeghen ne se pose pas la question, et cependant il se borne, dans son essai sur la philosophie de Geulincx, à faire un examen systématique de ses œuvres.

L’origine des idées de Geulincx est fort bien indiquée. Les chapitres qui traitent de sa philosophie sont fort intéressants. Nous y signalerons ce qui concerne le Cogito, ergo sum, le rôle actif et passif de l’homme, l’occasionalisme, qui résulte pour Geulinex de la conviction intime que la raison ou la connaissance a seule de la valeur et non de la difficulté de concilier le dualisme de l’intelligence et de la matière (p. 62), les principes qui résument ses idées, l’origine du langage (p. 108), etc. L’auteur marque fort nettement la place de Geulinex dans l’école cartésienne : il a développé l’occasionalisme qui était en germe dans le Traité de l’âme humaine de Louis de la Forge, et l’a formulé plus rigoureusement que Malebranche ; il a précédé Spinoza et Malebranche dans la voie panthéiste ; il a des analogies frappantes avec Spinoza dans sa philosophie pratique, il se rapproche de Kant par le caractère rigoriste et élevé de sa morale (p. 152) ; il a conduit la philosophie du maître jusqu’à l’endroit précis où, pour faire encore des progrès, elle