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ANALYSES.colajanni. L’alcoolisme.

divers de ce docteur illuminé, vilipendé par l’outrecuidant F. Bacon, admiré comme un précurseur par G. Bruno, loué par Leibniz avec cet esprit de curiosité et d’équité qui lui faisait découvrir des perles dans les étables de la philosophie, comme Virgile dans le fumier d’Ennius. Quand la critique est patiente et bienveillante, les ouvrages qu’elle passe au creuset y laissent toujours quelques grains d’or ; car il n’est si mauvais livre qui ne vaille par quelque endroit.

Si R. Lull est, comme il paraît, un écrivain de race et l’une des gloires de la littérature catalane, il faudra bien lui reconnaître quelque mérite et casser le jugement défavorable de la présomption ou du préjugé.

J.-M. Guardia.

Dr Colajanni. L’alcoolismo, sue consequenze morali e sue cause, in-8o (Catania).

On a calomnié l’alcool et l’alcoolisme. Les économistes et les criminalistes bourgeois veulent nous faire croire que les misères, les folies, les dépravations croissantes de notre notre civilisation capitaliste comme le verso tient au recto, mais en grande partie à l’ivrognerie populaire ; en sorte que le peuple serait malheureux et délinquant par sa faute et n’aurait point le droit d’accuser la société. Il n’en est rien ; le peuple s’enivre parce qu’il est misérable, et non vice versa ; et d’ailleurs, si l’on interroge avec soin les statistiques, on voit clairement que la part des crimes, des cas de démence, des suicides, imputable à l’habitude de l’ivresse, est insignifiante. — Tel pourrait être le résumé succinct de l’ouvrage de M. Colajanni sur l’alcoolisme, ses conséquences et ses causes. Mais je me hâte d’ajouter qu’il faudrait se garder de le confondre avec un pamphlet socialiste.

C’est un travail sérieux, approfondi, digne d’éloges par l’abondance des recherches et des aperçus. Je dois louer aussi son point de vue général, qui consiste à expliquer avant tout par des causes sociales les phénomènes sociaux ; et, s’il prête injustement à l’école positive, à Ferri par exemple, l’exclusion des causes de ce genre, il ne serait point mal venu à dire que cette école, en traitant sur un pied d’égalité, dans l’application du délit, « les facteurs physiques, les facteurs anthropologiques et les facteurs sociaux », est loin de mettre ces derniers à leur rang. Il ne suffit pas d’être complexe pour être complet, ni même pour être exact. On n’explique ni complètement ni exactement la sensation lumineuse en disant qu’elle résulte des vibrations de l’éther, de la conformation de l’œil et du nerf optique. En réalité, elle est une propriété du nerf optique, rien de plus ; et la preuve, c’est que, excité n’importe comment, par un agent mécanique ou chimique autre que l’onde éthérée, ce nerf donne lieu à cette sensation. Celle-ci n’est qu’un des innombrables phénomènes que l’éther vibrant, l’éther agissant