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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


J. Rossello.Obras de Ramon Lull, in-8o, Palma[1].

Voilà un grand nom, un des plus grands du moyen âge, qui appartient à l’histoire et à la légende, et qui est plus légendaire qu’historique. De là tant de jugements divers, contradictoires : panégyriques exagérés, dépréciations injustes. Les lullistes le portent aux nues comme chef de leur secte, et ne trouvent pas son pareil pour l’étendue du génie et l’universalité des connaissances. Ses contempteurs, au rebours, l’ont traité d’hérétique, de visionnaire, de fou ; et de graves historiens de la médecine et de la philosophie l’ont flétri un peu légèrement de la qualification de charlatan.

Pour être juste, il faut convenir que, loin d’être jugée, la cause n’est pas même instruite ; tous ces juges passionnés, mal informés, ont manqué de lumières ou de conscience. Le moins excusable est le savant auteur de l’Histoire de la philosophie scolastique (2e partie, ch.  xxv, tome II, Paris, 1880, pp. 293-297), dont la critique plus que sévère n’a point été adoucie dans l’Histoire littéraire de la France, où l’article de Ramon Lull forme une monographie qui remplit les trois quarts d’un gros volume in-4o (tome XXIX). M. B. Hauréau avait fait son siège, comme l’élégant historien de l’ordre de Malte, et quoique ami de la sagesse, en sa qualité de philosophe, il n’a pas voulu se dédire, ayant une si belle occasion de se rétracter et de réhabiliter une mémoire qu’il paraît tenir en petite estime, faute de s’être éclairé suffisamment.

Sans doute que Littré eût procédé autrement, sans la maladie qui vint l’arrêter dans sa tâche. Avec son esprit curieux de toutes choses, et son cœur excellent, il se fût montré indulgent pour le pauvre penseur solitaire qui sacrifia sa vie à ses convictions, et qui était, comme

  1. « Obras de Ramon Lull. Texto originel publicado con notas, variantes, ilustraciones y estudios biográficos y bibliográficos. Per Jerónimo Rosselló, de la Academia de la historia. Palma, editor, 1886-1887, in-8o ».

    L’ouvrage paraît par livraisons ou cahiers (cuadernos). La dernière, la 10e, va au delà de 360 pages. Des planches chromolitographiques accompagnent le texte. L’impression est très nette et soignée. Des ornements sobres en tête des livres ou des chapitres rappellent les plus beaux manuscrits. L’introduction, la biographie, la bibliographie et les notes sont en espagnol. L’éditeur, qui sait à fond le catalan, eût peut-être mieux fait, pour l’honneur des lettres catalanes, de laisser de côté le castillan, langue officielle et antagoniste.