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RIBOT.le mécanisme de l’attention

gnent assez clairement de ce principe pour que personne n’en doute : il en est de même de cette forme intérieure et cachée, dont nous parlerons plus tard, qu’on appelle la réflexion.

Les concomitants physiques de l’attention peuvent se ramener à trois groupes : phénomènes vaso-moteurs, phénomènes respiratoires, phénomènes moteurs ou d’expression. Ils dénotent tous un état de convergence de l’organisme et de concentration du travail.

I. « Supposons que vingt personnes fixent leur attention pendant cinq à dix minutes sur leur petit doigt ; voici à peu près ce qui adviendra quelques-unes n’auront conscience d’aucune sensation ; d’autres éprouveront des sensations marquées, souffrance, douleur, battements artériels ; la plupart sentiront une faible impression de pesanteur et de fourmillement. Cette simple expérience soulève les questions suivantes : N’y a-t-il pas toujours, dans telle ou telle partie du corps, des sensations dues aux modifications incessantes des tissus, modifications qui passent inaperçues, à moins que l’attention ne se fixe sur elles ? L’acte d’attention peut-il augmenter l’activité vasculaire des ganglions sensoriels et y faire naître des sensations subjectives ? Enfin, les centres sympathiques peuvent-ils être excités, les nerfs vaso-moteurs peuvent-ils être influencés de manière à déterminer des modifications vasculaires transitoires, dans le doigt auquel se rapporte la sensation ? — La première supposition ne semble vraisemblable que dans une très faible mesure. À vrai dire, on peut toujours éprouver une sensation dans le doigt, quand on s’applique attentivement à rechercher cette sensation. Nous pensons que les deux autres suppositions sont très fondées. Peut-être la sensation éprouvée est-elle partiellement subjective ; mais, à notre avis, le doigt sur lequel se fixe la pensée pendant un temps assez long est réellement le siège d’une sensation. Les modifications vasculaires qu surviennent sont ressenties sous forme de battements artériels, de pesanteur, etc.[1] »

Il est extrêmement probable et presque universellement admis que l’attention, même lorsqu’elle ne s’applique à aucune région de notre corps, est accompagnée de l’hyperhémie locale de certaines parties du cerveau. La vascularisation des parties intéressées augmente par suite d’une activité fonctionnelle plus grande. Cette hyperhémie locale a pour cause une dilatation des artères qui a elle-même pour cause l’action des nerfs vaso-moteurs sur les tuniques musculaires des artères. Les nerfs vaso-moteurs dépendent du grand sympathique qui est soustrait à l’action de la volonté, mais qui subit toutes les

  1. Hack Tuke, l’Esprit et le Corps, trad. Parent, p. 2.