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RIBOT.le mécanisme de l’attention

Dans les cas d’attention spontanée, le corps entier converge vers son objet, les yeux, les oreilles, quelquefois les bras ; tous les mouvements s’arrêtent. La personnalité est prise, c’est-à-dire que toutes les tendances de l’individu, toute son énergie disponible visent un même point. L’adaptation physique et extérieure est le signe de l’adaptation psychique et intérieure. La convergence, c’est la réduction à l’unité se substituant à la diffusion des mouvements et des attitudes, qui caractérise l’état normal.

Dans les cas d’attention volontaire, l’adaptation est incomplète, intermittente, sans solidité. Les mouvements s’arrêtent, mais pour réapparaître de temps en temps. L’organisme converge, mais d’une façon molle et lâche. Les intermittences de l’adaptation physique sont le signe des intermittences de l’adaptation mentale. La personnalité n’est prise que partiellement et par moments.

Je prie le lecteur d’excuser ce que ces brèves remarques ont d’obscur et d’insuffisant. Les détails et les preuves viendront plus tard. Il s’agissait seulement de préparer à une définition de l’attention que je crois pouvoir proposer sous cette forme : C’est un monoidéisme intellectuel avec adaptation spontanée ou artificielle de l’individu. Si l’on préfère une autre formule : L’attention consiste en un état intellectuel, exclusif ou prédominant, avec adaptation spontanée ou artificielle de l’individu.

Laissons maintenant ces généralités pour étudier dans leur mécanisme toutes les formes de l’attention.

I

L’attention spontanée est la seule qui existe tant que l’éducation et les moyens artificiels n’ont pas été mis en œuvre. Il n’y en a pas d’autre chez la plupart des animaux et les jeunes enfants. C’est un don de la nature, très inégalement réparti entre les individus. Mais, forte ou faible, partout et toujours, elle a pour cause des états affectifs. Cette règle est absolue, sans exception.

L’homme, comme l’animal, ne prête spontanément son attention qu’à ce qui le touche, à ce qui l’intéresse, à ce qui produit en lui un état agréable, désagréable ou mixte. Comme le plaisir et la peine ne sont que des signes indiquant que certaines de nos tendances sont satisfaites ou contrariées et comme nos tendances sont ce qu’il y a en nous de plus intime, comme elles expriment le fond de notre personnalité, de notre caractère, il s’ensuit que l’attention spontanée a ses racines au fond même de notre être. La nature de l’attention spontanée chez une personne révèle son caractère ou tout au moins.