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LE MÉCANISME DE L’ATTENTION


I. — L’ATTENTION SPONTANÉE

On s’est beaucoup occupé des effets de l’attention, très peu de son mécanisme. Ce dernier point est le seul que je me propose d’étudier dans cet article et ceux qui feront suite. Même dans ces limites, la question est importante, car elle est la contre-partie, le complément nécessaire de la théorie de l’association. Si cet essai contribue si peu que ce soit à bien montrer cette lacune de la psychologie contemporaine et à engager d’autres à la combler, il aura atteint son but.

Sans essayer pour le moment de définir ou de caractériser l’attention, je supposerai que chacun entend suffisamment ce que ce mot désigne. Une difficulté plus grande, c’est de savoir où l’attention commence et où elle finit ; car elle comporte tous les degrés depuis l’instant fugitif accordé à une mouche qui bourdonne, jusqu’à l’état de complète absorption. Il sera conforme aux règles d’une bonne méthode de n’étudier que les cas bien francs, typiques, c’est-à-dire ceux qui présentent l’un au moins de ces deux caractères : l’intensité, la durée. Quand les deux coïncident, l’attention est à son maximum. La durée seule arrive au résultat par accumulation : quand, par exemple, à la lumière de plusieurs étincelles électriques, on déchiffre un mot ou une figure. L’intensité toute seule est aussi efficace ainsi, une femme, en un clin d’œil, voit la toilette entière d’une rivale. Les formes faibles de l’attention ne peuvent rien nous apprendre : en tout cas, ce n’est pas par elles qu’il faut commencer notre étude. Tant qu’on n’a pas tracé les grandes lignes, il est oiseux de noter des nuances et de s’attarder aux subtilités.

L’objet de ce travail c’est d’établir et de justifier les propositions suivantes :

Il y a deux formes bien distinctes d’attention : l’une spontanée, naturelle ; l’autre volontaire, artificielle.

La première, négligée par la plupart des psychologues, est la forme véritable, primitive, fondamentale de l’attention. La seconde, seule étudiée par la plupart des psychologues, n’est qu’une imita-