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tation. Les dégénérescences, déchets de la civilisation, se produisent nécessairement ; leur augmentation est d’autant plus rapide qu’elle est favorisée par la partie plus vivace de la société qui regarde impassiblement non seulement cette production en quelque sorte mécanique et nécessaire, mais qui encourage sa repullulation dans des milieux favorables, et aide leur survivance par des mesures de charité mal éclairée. Le plus sûr moyen de faire ouvrir grandement les yeux à ce spectateur aveugle est de lui présenter la note détaillée de l’entretien des dégénérés. Un pareil procédé d’instruction, qui aurait pour résultat à la fois de réparer les dommages indûment supportés et de restreindre le nombre et les manifestations de tous les nuisibles, ne saurait qu’être utile et par conséquent juste.

XIV

Les études modernes, en mettant en lumière l’hérédité fréquente du crime en même temps que ses analogies et sa parenté avec les dégénérescences, semblent avoir établi la fatalité du crime. Elles ont montré en outre que si les dégénérés présentent plus souvent que les sujets normaux certains caractères physiologiques et anatomiques, ces caractères ne sont pas exclusifs à une variété de dégénérés, ne peuvent pas servir de critérium ; ils ne permettent pas de prendre des mesures préventives définitives contre des individus dont on ne peut prévoir avec précision l’évolution ultérieure. Les malfaiteurs n’ont qu’un caractère spécifique, c’est leur méfait. Si les mesures préventives contre la fatalité du crime ne peuvent pas être basées sur les caractères anatomiques et physiologiques des criminels, peuvent-elles l’être sur des conditions physiologiques et sociologiques dans lesquelles les méfaits se produisent ? Peut-on établir qu’il existe des conditions dans lesquelles la prédisposition fatale au crime se manifestera nécessairement ou du moins avec une grande probabilité ? Oui, ces conditions existent, et elles ont déjà été étudiées[1], mais mériteraient de l’être avec plus de soin, parce que les mesures préventives qui reposeraient sur leur connaissance auraient pour avantage d’être impersonnelles. Ces conditions peuvent, en somme, se résumer dans la misère physiologique ; ceux qui en raison de leur organisation défectueuse sont incapables de subvenir à leurs besoins, deviennent

  1. Virgilio et Rossi : Influence de la température et de l’alimentation sur la criminalité en Italie de 1875 à 1884 (Congrès de Rome, 1885). — P. Bernard, Des attentats à la pudeur chez les petites filles, th. de Lyon, 1886, etc. — Colajanni : Oscillations thermométriques et délits contre les personnes. — Ferri : Variations thermométriques et criminalité, etc.