Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 24.djvu/369

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
365
FÉRÉ.dégénérescence et criminalité

examen est coupable d’un véritable délit social » (Germain Garnier). Ce n’est pas le lieu d’insister plus longuement pour montrer comment l’assistance est un devoir social et non pas un droit individuel (Vasco). La charité s’étendant à toutes les peines et à toutes les misères cesse d’être utile à la société et à l’espèce, elle ne fait que favoriser leur déchéance. Et même lorsqu’elle s’applique aux infirmes et à bon nombre de malades, l’assistance ne doit pas aller jusqu’à favoriser leur reproduction qui ne peut qu’être décadente[1].

Il n’y a aucune loi sur laquelle on puisse s’appuyer pour interdire les unions entre dégénérés, et on ne peut même pas supposer une loi semblable, car qui serait en mesure de décider à quel degré de dégénérescence il faut s’arrêter ? Le seul moyen qui puisse être tenté est d’instruire le public, de lui apprendre par tous les moyens, comme une notion de nécessité urgente, les lois fatales de l’hérédité et de la dégénérescence, de sorte que les moins atteints sachent se mettre en garde. Il ne faut pas laisser s’accréditer cette erreur qu’une infusion de sang nouveau peut faire remonter à une famille l’échelle de la dégénérescence à ces croisements, les races déchues ne gagnent pas ce que les bonnes perdent. Il faut que le faible périsse, telle est la loi fatale.

Tout infirme a le droit de dissimuler son infirmité, et le médecin qui ne la connaît que par sa profession, a le devoir strict de lui garder le secret ; mais la société n’est pas dans la même obligation. Dans les projets de revision de la loi de 1838 où on a eu à s’occuper de la protection des aliénés traités à domicile, plusieurs personnes ont soutenu que les inspections devaient affecter une forme particulièrement discrète dans ces conditions ou même être supprimées pour que le secret des familles soit respecté. Il nous paraît que les familles doivent seules avoir la charge de leur secret, leur médecin doit la partager ; mais l’État n’a pas à les aider. S’il doit au malade de le protéger contre les dangers qui l’entourent, il ne doit pas moins protéger son entourage contre les risques qu’il peut lui faire courir et au moins ne pas favoriser des unions dont on peut avoir à déplorer les suites. M. Thulié[2] a relevé avec raison que ce secret ne peut servir qu’à faire des dupes.

  1. « L’individu malade et devenu incapable des fonctions naturelles de l’espèce est instinctivement exclu de la communauté », dit Maudsley, après avoir relevé chez l’homme un vague sentiment d’antipathie analogue à celui que montrent les animaux à leur congénère malade (Crime et folie, p. 5).
  2. La folie et la loi, 1886, p. 69.