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FÉRÉ.dégénérescence et criminalité

trum in animo », les anthropologistes ont fait l’histoire naturelle de cette laideur, et personne ne peut prévoir quelle sera la portée des faits importants qu’ils ont mis en lumière.

VII

M. Garofalo, qui reconnaît l’impossibilité d’établir jusqu’à présent l’anatomie du criminel, s’efforce de le distinguer par une anomalie morale[1]. L’idée de considérer le criminel comme un être immoral n’est peut-être pas absolument nouvelle. Quant à la distinction de cette « anomalie morale » du criminel des « maladies morales » des aliénés et des dégénérés, et de la « norme morale » des sujets sains, elle n’est point du tout établie dans le travail de M. Garofalo. Sans nous prévenir sur quelles études préalables il se base pour traiter de si haut les aliénistes qui admettent l’existence. d’une folie morale, « nous n’admettons pas, dit-il, de folie exclusivement morale » ; il est vrai qu’à la page suivante il nous avertit que M. Tarde accepte ses idées sur la différence entre la folie dite morale et l’instinct criminel. Et la différence entre le fou et le criminel, voici sur quelles observations il la fonde : « Les perceptions du monde extérieur produisent chez le fou ou chez l’imbécile des impressions exagérées (observations très contestables) ; elles font naître un processus psychique qui n’est pas en accord avec la cause extérieure ». « Chez le criminel-né, au contraire, le processus psychique est en rapport avec les impressions du monde extérieur. » M. Garofalo déduit cet accord ou ce défaut d’accord de la différence qui existe entre les faits suivants qu’il rapporte : « Le fou décrit par Poë étouffe son oncle uniquement pour se débarrasser de la vue d’un œil louche qui l’ennuyait ». « Un certain T., fâché de ce que son domestique l’avait quitté, le guetta au passage et le tua d’un coup de fusil. » Quoi qu’en dise M. Garofalo, tout le monde reconnaîtra que les seuls caractères différentiels de ces actes sont absolument incapables de faire établir une distinction fondamentale. Après avoir contesté la parenté morbide du crime, M. Garofalo admet que l’anomalie psychologique de certains criminels a été très bien définie par M. Benedikt comme une névrasthénie morale combinée à une névrasthénie physique. Mais qu’est-ce donc que la névrasthénie, si ce n’est un état maladif, tantôt congénital, tantôt héréditaire, mais dont le développement est grandement favorisé par le surmenage (nervous exhaustion des Américains). À ces arguments subtils destinés à éta-

  1. L’anomalie du criminel (Revue philosophique, mars 1887).