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à loger le vermis inférieur du cervelet qui serait plus volumineux, elle se rencontrerait, d’après Lombroso, dans la proportion de 10 p. 100 chez les criminels au lieu de 5 p. 100 chez les non-criminels ; c’est un caractère de peu de valeur ; à la Salpêtrière, où les vieillards ne sont admis qu’à condition de n’avoir pas de casier judiciaire, je l’ai trouvée bien marquée 12 fois sur 80.

Pour les anomalies du cerveau, les observations de MM. Benedikt, Hanot, Schwekendiek, Giacomini, Flesch, etc., n’établissent nettement qu’un seul fait : c’est la complexité et l’irrégularité de la morphologie cérébrale en général. On ne peut, dans l’état actuel, établir aucune relation entre une anomalie cérébrale et la criminalité et la folie. D’ailleurs, il faut reconnaître qu’en ce qui concerne les circonvolutions cérébrales, personne n’est en droit de dire quelle est la forme normale : certaines grandes divisions se présentent avec une constance presque absolue ; mais les plus secondaires varient, on peut dire, à l’infini, tellement que Broca, après avoir beaucoup cherché, en fut réduit à construire pour la démonstration un cerveau schématique. Il n’y a pas de cerveau humain qui soit exactement symétrique, quelle que soit la période de son développement. Cette asymétrie n’est point du reste spéciale à l’homme ; on en voit quelquefois de très intéressants exemples chez des singes[1]. Si d’ailleurs on examine de près les anomalies signalées chez les criminels et les délinquants, on pourra constater qu’il s’agit d’anomalies en général peu importantes, beaucoup moins considérables que celles qu’on a pu rencontrer chez des individus supposés non criminels[2].

Au point de vue physiologique, les criminels seraient remarquables par leur affaiblissement de la sensibilité à peu près sous toutes les formes, sauf pourtant à la sensibilité à l’aimant et à la sensibilité météorique. Leur sensibilité affective est nulle ou pervertie. Ils sont instables, vaniteux, portés à la vengeance et à la cruauté, enclins aux orgies de toute nature. Un de leurs caractères les plus constants est l’incapacité de s’appliquer à un travail régulier, et la paresse. Leur intelligence est en général faible ; s’ils sont quelquefois très rusés, ils sont rarement capables de conceptions vraiment grandes.

Lorsque l’ensemble de ces caractères tant anatomiques que physiologiques existe, on serait, d’après M. Lombroso, en possession du critérium anthropologique ; on serait sûr d’avoir affaire à un criminel

  1. Ch. Féré, — Contribution à l’étude de la topographie cranio-cérébrale chez quelques singes (Journ. de l’anatomie et de la physiologie, 1882, p. 556).
  2. Ch. Féré, — Note sur un cas d’anomalie asymétrique du cerveau (Arch. de neurologie, 1883, janv., n° 13).