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FÉRÉ.dégénérescence et criminalité

VI

Nous allons maintenant revenir sur la question de savoir si les criminels présentent véritablement des caractères anatomiques et physiologiques capables de les faire distinguer des dégénérés et des hommes soi-disant sains.

D’après l’école anthropologique, le criminel serait grand et lourd ; Cependant, M. Lombroso en convient, il est assez souvent mince et agile (Thompson, Virgilio, etc.). Le criminel a les bras longs, et il a souvent une aptitude particulière à se servir des deux mains, il est ambidextre. Ces deux caractères n’ont pas une telle fréquence qu’ils puissent être considérés comme distinctifs. On peut en dire autant des caractères tirés de la forme générale et de la capacité du crâne. La valeur de la brachycéphalie et de la dolichocéphalie n’a donné lieu qu’à des contestations. Quant à la capacité crânienne, elle est moindre pour les uns (Lombroso), plus grande pour d’autres (Heger, Bordier, etc.), semblable à celle des sujets normaux (Ranke), quelquefois énorme (Manouvrier), c’est-à-dire qu’elle ne fournit aucune indication précise. On ne peut pas dire que la proportion moindre du diamètre frontal minimum et de la circonférence antérieure du crâne, la grande capacité des orbites, la saillie des zygomes se présentent avec une fréquence suffisante. Une particularité qui parait avoir plus de valeur est le volume et le poids considérable de la mandibule (Lombroso, Orchanski, Manouvrier, etc.) ; mais elle est loin d’être exclusive aux assassins. Quant au prognatisme, à l’asymétrie de la face, aux anomalies des oreilles, au strabisme, on ne peut pas les considérer comme propres à la criminalité depuis Morel, on sait qu’ils constituent des stigmates de dégénérescence, très fréquents chez les aliénés et chez les névropathes de tout ordre. Il en est de même des anomalies du système pileux. On sait qu’il est nécessaire de rechercher ces signes physiques avant d’être en droit de soupçonner l’origine soi-disant accidentelle des névropathies et des psychopathies[1].

Les pigmentations anormales des tissus nerveux, les adhérences de la pie-mère, les ramollisements, les méningites sont plus propres à faire confondre les criminels avec les malades qu’à fournir la preuve de la réalité d’un type de criminel-né. Quant à la fossette moyenne que l’on rencontre sur la crête interne de l’occipital, fossette destinée

  1. 1. Ch. Féré, Nerve troubles as foreshadowed in the Child (Brain, 1885).