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et elles ne peuvent pas être considérées comme constantes. Il y a exagération évidente à dire avec Lombroso « que les germes de la folie morale et du crime se rencontrent non par exception, mais d’une façon normale dans les premières années de l’homme, comme dans l’embryon se rencontrent constamment certaines formes qui dans un adulte sont des monstruosités ».

D’ailleurs si les tendances criminelles, anti-sociales des enfants étaient un fait normal physiologique, elles pourraient prouver qu’une société d’enfants serait incapable de subsister ; mais elle ne prouve nullement que l’humanité ait jamais été constituée par des individus ayant tous les penchants anti-sociaux des enfants.

Ce ne serait qu’en s’appuyant sur de nombreuses hypothèses que l’on pourrait imaginer que chaque période embryonnaire, fœtale ou infantile rappelle une forme ancestrale. Mais on est en dehors de toute donnée scientifique lorsqu’on suppose qu’une anomalie, par cela seul qu’elle peut s’expliquer par un arrêt de développement, rappelle un type primitif de l’humanité. La hernie inguinale constitue une infirmité fréquente chez l’adulte, et, chez quelques enfants, elle se manifeste à l’état de prédisposition par la persistance d’un canal perméable. Ce canal persiste à l’état adulte chez quelques singes, et en particulier chez ceux qui marchent sur leurs quatre mains[1] ; peut-on en conclure qu’il y ait eu jamais des hommes qui aient porté leurs intestins en dehors de leur ventre ? Ce serait une absurdité. De ce que certains individus sont sujets à des impulsions qui les poussent à tuer pour un avantage qui ne peut pas compenser les risques à courir, et de ce que ces mêmes instincts sanguinaires se rencontrent chez un certain nombre d’enfants, on ne peut pas plus en conclure que le meurtre ait jamais constitué un besoin normal chez une race d’hommes sauvages ou primitifs. L’origine atavique du crime reste une pure hypothèse, en faveur de laquelle il reste peu de faits, lorsqu’on a éliminé les dégénérescences et les arrêts de développement.

Les seuls faits positifs que nous ayons eu à relever jusqu’à présent sont les suivants : 1o la criminalité est souvent associée aux dégénérescences physiques et psychiques ; 2o la criminalité et les dégénérescences ont souvent une hérédité commune. On peut ajouter que certaines conditions en apparence accidentelles des générateurs peuvent donner naissance soit à des dégénérés, soit à des criminels, par exemple l’alcoolisme, l’âge avancé au moment de la conception (Marro), les mauvaises conditions hygiéniques de toutes sortes.

  1. Ch. Féré. Études sur les orifices herniaires et sur les hernies abdominales des nouveau-nés, etc. (Revue mensuelle de médecine et de chirurgie, 1879).