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FÉRÉ.dégénérescence et criminalité

types préhistoriques, si incomplètement connus, implique un rapport d’hérédité médiate, d’atavisme entre le criminel et l’homme préhistorique. Cette ressemblance si mal démontrée est-elle de nature à faire rejeter l’origine dégénérative du crime, et à faire accepter sans réserve ou même partiellement l’origine atavique ? On peut le nier.

Les caractères anatomiques soi-disant propres aux criminels sont le plus souvent des anomalies localisées au crâne, à la mandibule, aux membres, et ne se conforment pas à un plan général d’organisation capable de servir à désigner une race spéciale, répondant à un type sauvage ou préhistorique. En outre, il faut remarquer que les traces de dégénérescence, telles que manifestations névropathiques ou vésaniques, scrofules, etc., qui se rencontrent si souvent chez les criminels, n’ont rien à faire avec l’atavisme, qu’elles semblent même plutôt exclure, puisqu’elles sont incompatibles avec une génération régulière. On ne peut pas plus les considérer comme des caractères d’une race vivante. On a voulu rattacher à l’atavisme la microcéphalie qui accompagne si souvent l’imbécillité et l’idiotie, et que l’on rencontre aussi chez les criminels, peut-être moins souvent pourtant que la macrocéphalie ; mais la microcéphalie, souvent liée à d’autres lésions anatomiques, se rencontre fréquemment chez des sujets qui présentent, en même temps que des anomalies dites réversives, des malformations non seulement du cerveau, mais aussi d’autres organes. Certaines de ces anomalies, comme le bec-de-lièvre, les hernies, le sexdigitisme, etc., n’ont rien à faire avec l’atavisme, mais s’expliquent facilement par des troubles de développement dus à des états morbides de l’embryon. Si on admet que les microcéphales et les imbéciles représentent au point de vue psychique quelqu’un de nos ancêtres, dira-t-on aussi que l’infécondité commune chez ces mêmes sujets est aussi la réapparition d’un caractère ancestral ? Une fille peut offrir un développement considérable de la mandibule sans qu’on puisse conclure que l’infanticide dont elle s’est rendue coupable est une manifestation de l’atavisme.

Les perversions instinctives des enfants ont été citées à l’appui de la théorie atavique du crime : la criminalité ne serait que l’enfance prolongée, ou que la sauvagerie survivante. Mais, dans cette circonstance encore, on a souvent confondu atavisme et anomalie de développement. Il est certain que les enfants présentent souvent des tendances anti-sociales, une propension aux actes violents, à la vengeance, à la colère, à la cruauté, au vol, etc. Bien avant l’école d’anthropologie criminelle, l’existence de ces manifestations a été signalée dans les antécédents des névropathes et des vésaniques ;