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FÉRÉ.dégénérescence et criminalité

avoir été la cause des principales manifestations morbides ; en y regardant de près, on arrive souvent à constater que les individus prédisposés ont seuls été atteints. Cette remarque peut s’appliquer aussi bien aux crimes collectifs : on peut dire que l’occasion est en quelque sorte la pierre de touche de la résistance morale. Mais les différences individuelles de résistance n’impliquent pas le droit de conclure à la liberté morale de quelques-uns, et à l’absence de cette liberté chez quelques autres.

La parenté des criminels et des dégénérés, bien que constituant un argument en faveur de l’importance du rôle de l’hérédité dégénérative dans la genèse de la criminalité, s’oppose à ce que l’on considère l’hérédité comme une prédisposition fatale au crime. Toute dégénérescence peut se transmettre héréditairement sous une autre forme dégénérative, de préférence, il est vrai, sous une forme connexe : c’est ainsi que certaines formes s’associent plus volontiers dans les familles (goutte et diabète, obésité, folie et épilepsie ; rhumatisme et hystérie ; etc., etc.). Il est fréquent, par exemple, de voir la folie et le crime alterner dans la même famille en raison de cette alternance possible et fréquente, l’hérédité ne peut pas servir de base à des mesures préventives du crime.

Nous pouvons rappeler que la criminalité se distingue parmi les dégénérescences, par la plus grande fréquence de son hérédité directe. En outre, tandis que les autres dégénérescences névropathiques sont susceptibles de s’associer au génie et de le reproduire par hérédité, la criminalité ne s’est rencontrée que chez quelques rares artistes et on ne cite guère de génies ou même d’hommes de talent qui soient issus de criminels. Cette circonstance concourt à faire considérer la criminalité comme une des formes inférieures de la dégénérescence ; mais nous aurons à revenir sur d’autres faits qui sont encore plus capables d’appuyer cette opinion.

V

Il est hors de contestation que les signes de dégénérescence physique abondent chez les sujets atteints de dégénérescence psychique : les recherches de Morel l’ont suffisamment établi. Si ces signes physiques se rencontrent aussi chez les criminels, on peut en tirer un argument en faveur de la parenté du crime avec la folie, et de son origine pathologique, confirmée par l’existence quelquefois signalée de lésions cérébrales.

Toutefois, comme nous l’avons remarqué en passant, bon nombre de dégénérés ne présentent dans leur famille aucun indice d’hérédité