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FÉRÉ.dégénérescence et criminalité

comme pour la plupart des autres névroses[1], reconstituer sa parenté morbide. Lorsqu’on aura comparé la criminalité aux dégénérescences, auxquelles elle est intimement liée, on comprendra que si 2573 sur 8227 détenus dans les colonies pénitentiaires descendent de parents ayant subi des condamnations, la criminalité est, plus souvent qu’aucune autre dégénérescence, une maladie de famille. Et si on recherche ses associations avec les névroses, les maladies de la nutrition, etc., on verra que les présomptions en faveur de l’hérédité augmenteront dans des proportions inattendues.

IV

Quand il parut établi qu’un certain nombre de criminels étaient des aliénés, il devenait naturel de rechercher si tous ces aliénés ne présentaient pas des signes d’aliénation mentale, et si le crime n’était point en somme une maladie. On remarque bientôt que les criminels et les délinquants sont des anormaux aussi bien au point de vue psychique qu’au point de vue physique. Les troubles mentaux sont extrêmement fréquents chez les condamnés : les anti-sociaux (Maudsley) sont souvent voués à la folie ; un grand nombre de criminels sont moralement imbéciles (Tamburini et Seppilli), atteints d’idiotie morale (Forbes Winslow) ; beaucoup sont sujets à des explosions de violence, à des terreurs nocturnes, à des perversions de l’idéation, etc (Nicholson). Quelques-uns sont ou deviennent épileptiques, d’autres aliénés (Coindet, Casauvielh, Ferrus, Lélut, Bruce Thompson, etc. Il est bien certain que les causes de la folie dite pénitentiaire, qui se développe chez les délinquants pendant qu’ils subissent leur peine, sont inhérentes au prisonnier et non à la prison[2].

On a d’ailleurs souvent essayé sans succès de distinguer la criminalité de la folie (Michéa, Solbrig, etc.) ; les différentes formes de folie morale et les divers troubles mentaux fréquents chez les criminels, et que nous venons seulement de citer, font comprendre déjà la difficulté de cette séparation. « Entre le crime et l’insanité, dit Maudsley, il existe une zone neutre : sur un des bords, on n’observe qu’un peu de folie et beaucoup de perversité ; à la limite opposée, la perversité

  1. Ch. Féré, la Famille névropathique (Arch. de neurol., 1884). Cet article contient un grand nombre d’indications bibliographiques que nous n’avons pas cru devoir reproduire ici.
  2. « La statistique nous donne 5 épileptiques pour 100 détenus et 5 épileptiques pour 1000 individus honnêtes. En Italie, les mêmes régions qui fournissent le plus grand nombre d’épileptiques donnent aussi le plus grand contingent de criminels » (Lombroso, Congrès de Rome, 1885).