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SOCIÉTÉ DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE


ACTIONS RÉFLEXES PSYCHIQUES

En présentant à la Société de psychologie le livre que je viens de faire paraître dans la Bibliothèque de philosophie contemporaine, intitulé Essai de psychologie générale, je crois devoir appeler l’attention sur les actions réflexes psychiques, terme dont je me suis servi[1] dans mon livre sur la physiologie générale des muscles et des nerfs, qui mérite d’être étudiée avec plus de soin qu’on ne l’a fait jusque ici.

En effet, les actions réflexes simples s’expliquent suffisamment par le fait de telle ou telle organisation de l’être. Étant donné que l’animal possède une moelle épinière, il réagira aux excitations extérieures suivant sa nature. Autrement dit, la constitution anatomique de son système nerveux central détermine la réponse, qui est fatale.

Mais pour les actions psychiques réflexes, il y a une complication spéciale, c’est l’accumulation des souvenirs antérieurs qui a modifié l’état des centres nerveux, et qui alors donne à la réaction de l’animal une plus grande variabilité. Ce n’en est pas moins une action réflexe ; mais elle a pris un caractère nouveau. L’organisation de l’animal n’est pas seule à jouer un rôle pour déterminer la nature de la réponse. Il y a les innombrables excitations passées, qui toutes ont laissé leur trace et interviennent dans la forme de la réponse.

Ces souvenirs accumulés, et sans doute élaborés par l’intelligence, donnent à la réaction le caractère psychique. D’innombrables transitions relient l’acte réflexe simple aux actes psychiques, les plus compliqués, et c’est l’acte réflexe psychique qui paraît en être le lien.

Mais ce n’est pas encore là le plus important caractère des actions psychiques réflexes. Ce qui les rend tout à fait spéciales, c’est qu’elles sont déterminées par une excitation qui en elle-même est tout à fait indifférente. Ainsi, qu’un mot injurieux me soit adressé, le son vocal émis n’a aucune valeur par lui-même, et cependant je rougirai d’une rougeur réflexe, involontaire, soudaine et irrésistible. Mais, si je rougis, c’est parce que j’aurai compris le sens des paroles prononcées. Autrement dit, la réponse réflexe définitive aura telle ou telle forme,

  1. L’expression a été employée par Griesinger (Psychische Reflexactionen, Arch. für physiol. Heilkunde, 1843), et plus récemment par M. Bonatelli, professeur à l’Université de Padoue, dans un ouvrage de psychologie.