Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 24.djvu/328

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
324
revue philosophique

trèrent le massif central et ses dépendances, où elles arrêtèrent longtemps. « Au cœur et tout autour de ce grand massif, les conditions étaient loin d’être les mêmes. Le milieu fit son œuvre, et cette région devint ainsi le centre de formation ou de caractérisation des types ethniques fondamentaux de l’époque actuelle. » On pourrait objecter à cette manière de voir les difficultés de l’acclimatement qui constituent, même pour l’Européen actuel, de si grands obstacles à son expansion. Mais, observe M. de Quatrefages, l’Européen change brusquement de climat et il parvient cependant à s’acclimater à peu près partout, au prix des plus cruels sacrifices il est vrai. Les tribus primitives ont procédé autrement. Parties de leur centre d’apparition, avançant d’étape en étape, se faisant progressivement aux exigences variées du milieu qu’elles rencontraient, elles s’acclimataient en route, et, conquérant le monde pas à pas, elles ont pu aller jusqu’au bout, sans éprouver de grandes pertes.

Dans le chapitre VIII, M. de Quatrefages établit d’abord l’ancienneté des types ethniques actuels, puis il étudie la question de l’ancienneté relative des trois types fondamentaux de l’humanité. Il considère le type jaune comme ayant précédé le nègre et la race blanche aryane comme étant la dernière venue. Puis il montre, dans le chapitre suivant, comment ont pu se produire, sous l’influence du milieu et des croisements, les races humaines si nombreuses qui peuplent actuellement la terre. Tant de variations n’ont rien qui puissent nous étonner si nous songeons à celles que subissent sous nos yeux certaines espèces animales et certaines colonies humaines émigrées d’Europe.

Que signifient ces variations au point de vue de la supériorité ou de l’infériorité des races ? C’est là une question souvent traitée d’une façon trop simple et trop expéditive, comme le dit M. de Quatrefages. Telle race peut d’ailleurs l’emporter sur telle autre par certains caractères et lui être inférieure par certains autres. Et puis l’histoire nous montre, il ne faut pas l’oublier, que des peuples autrefois sauvages se sont rapidement élevés en civilisation et ont fait preuve de qualités qu’on était loin de soupçonner en eux il y a quelque deux mille ans. L’auteur ne conteste pas, pour cela, l’existence de races moins favorisées que d’autres, notamment sous le rapport de l’intelligence. Certaines races ont pu se perfectionner dans un sens plus que dans l’autre ; d’autres ont pu rester stationnaires, d’autres enfin dégénérer.

M. de Quatrefages aborde ensuite l’étude successive des principaux caractères anatomiques extérieurs ou internes et s’attache à montrer que chacun de ces caractères, même de ceux qui sont le plus aptes à différencier d’une façon générale les différents groupes humains, peut exister dans des races très différentes et que tous présentent, à des degrés divers, la fusion et l’entre-croisement. Il insiste moins sur les caractères physiologiques normaux ou pathologiques, beaucoup moins fixes que les précédents et plus facilement explicables par des influences de milieu. L’avant-dernier chapitre est consacré aux caractères intellectuels