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ANALYSES.de quatrefages. Races humaines.

nes les plus éloignées : ces résultats sont ceux du métissage et nullement ceux de l’hybridation.

En somme, le monogénisme est une doctrine parfaitement soutenable et à laquelle le transformisme n’a fait qu’apporter de nouveaux arguments. Mais la doctrine opposée n’est point, pour cela, en contradiction avec la science actuelle ; elle aussi trouve des arguments et un rajeunissement dans le transformisme, et ce serait la méconnaître que de se la représenter sous la forme quelque peu ridicule que lui prête M. de Quatrefages. On peut être polygéniste et ne pas endosser plusieurs des opinions saugrenues qui seraient, d’après notre savant auteur, des opinions de polygénistes : par exemple, qu’il n’y a pas de question d’origine géographique à résoudre ; que les migrations n’ont été pour rien dans le peuplement général du globe ; que la question de l’homme primitif n’existe pas, etc.

Dans le troisième chapitre, M. de Quatrefages s’occupe de l’origine première de l’espèce humaine. Il repousse l’ascendance simienne de l’homme et déclare la question insoluble pour le moment. Puis il examine dans le quatrième chapitre les preuves de l’antiquité de l’espèce humaine. Il étudie les débris humains quaternaires et les traces du travail humain à l’époque tertiaire qu’il reconnaît comme réelles. Il admet même l’authenticité des squelettes récemment trouvés à Castenedolo dans un terrain tertiaire, mais il fait ressortir, non sans satisfaction, la forme absolument humaine, voire civilisée, du crâne tertiaire exhumé par M. Ragazzoni. Disons ici que la date de ces ossements est fortement contestée par plusieurs préhistoriens des plus autorisés. Relativement aux « chronomètres » considérés comme indiquant la date du début des temps quaternaires, l’auteur met en relief le peu de précision et l’incohérence des chiffres obtenus qui varient de 7 000 ou environ à 100 000 ans. Le premier chiffre serait beaucoup trop faible et le second beaucoup trop fort en ce qui concerne l’Europe. Pour l’Amérique les calculs de Lyell donnent 36 950 ans et ceux d’Agassiz 32 000 ans.

Le chapitre V traite de l’origine géographique de l’espèce humaine. Il a été montré, précédemment, que dès l’époque quaternaire l’espèce humaine occupait, au moins par places, les quatre grandes parties du monde. Les quatre grandes races correspondantes sont-elles autochtones ? Évidemment non, selon M. de Quatrefages qui est monogéniste et qui par conséquent croit à un centre d’apparition unique d’où l’espèce humaine a irradié de manière à envahir peu à peu son domaine actuel. Il élimine successivement les divers centres adoptés par les auteurs et décide en faveur d’une région boréale, le Spitzberg et la Sibérie, dont le climat, aux temps tertiaires, était tout au moins tempéré.

Quand vinrent les froids glaciaires, la végétation s’appauvrit et s’arrêta dans le nord de l’Asie. Les herbivores compagnons de l’homme gagnèrent des contrées plus chaudes qui seules pouvaient les nourrir. Les tribus restées jusque-là dans la première patrie de l’espèce durent émigrer en masse. Marchant surtout vers le soleil, elles rencon-