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doctrines d’anthropologie générale développées dans les précédentes publications du savant professeur. Un grand nombre de superbes figures illustrent le texte et en rendent la lecture encore plus attrayante.

Le premier chapitre est consacré à la démonstration de l’existence d’un règne humain. Ce n’est pas dans les phénomènes d’ordre intellectuel que M. de Quatrefages cherche les caractéristiques d’un nouveau règne ; il admet que l’intelligence des animaux, pour être moins développée que la nôtre, n’en reste pas moins la même au fond. Mais il voit dans la moralité et dans la religiosité deux facultés nouvelles « dont on n’aperçoit pas de traces chez les animaux » et qu’il rattache à une cause commune : l’âme humaine caractérisant le règne humain comme l’âme animale caractérise l’ensemble du règne animal. Nous devons nous borner à enregistrer ici cette doctrine au sujet de laquelle les lecteurs de la Revue philosophique ont dû lire maintes discussions.

Le chapitre suivant est un plaidoyer en faveur du monogénisme. Il s’agit de savoir s’il y a plusieurs espèces d’hommes ou bien s’il n’y en a qu’une seule renfermant de simples races. Pour les polygénistes, il y trop de différence entre le nègre et le blanc pour qu’on puisse les considérer comme étant issus d’une même souche. Pour M. de Quatrefages, qui se montre ici non moins transformiste que Darwin, l’action des milieux et des croisements suffit pour nous rendre compte des différences les plus tranchées qui existent entre les groupes humains les plus dissemblables. « Que l’on prenne, dit-il, un à un les groupes de végétaux ou d’animaux universellement acceptés pour n’être que des races issues d’une espèce bien connue ; qu’on les compare soit les uns aux autres, soit au type spécifique dont ils se sont détachés, et l’on reconnaîtra bien vite qu’il existe entre eux des différences morphologiques de toute sorte, bien autrement considérables que celles qui séparent les groupes humains. » Un exemple seulement tiré du règne végétal. Avec le chou primitif, immangeable, l’homme a pu faire, en s’attaquant aux feuilles, six races principales de choux de Milan, dix de choux, cavaliers, dix-sept de choux cabus ; en s’occupant de la racine, il a eu trois races de choux-raves, et lorsqu’il a touché aux fleurs, il en est résulté onze races de choux-fleurs ou de brocolis. Le règne animal fournit nombre d’exemples non moins remarquables : les races de chevaux et d’ânes, le sanglier et le porc, les races de lapins et de moutons, de bœufs, de chiens, de coqs, de pigeons. Darwin affirme que si les innombrables formes domestiques du pigeon avaient été trouvées à l’état sauvage, elles eussent donné lieu à la formation d’au moins cinq genres nouveaux différant entre eux par des caractères de toutes sortes et bien autrement tranchés que ceux qui servent à distinguer les races humaines. L’auteur invoque encore, à l’appui du monogénisme, la fusion des caractères et l’entrecroisement des caractères qui empêchent de former dans l’espèce humaine des groupes ayant un caractère important d’une façon exclusive. Il invoque enfin les résultats du croisement entre les races humai-