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Enfin, une conclusion également nouvelle, tout en annonçant un troisième volume pour les temps postérieurs à la Révolution, résume à grands traits les théories entre lesquelles se partage, dans notre siècle, la science politique.

M. Janet rapporte ces théories à quatre écoles : l’école aristocratique et royaliste, l’école constitutionnelle et libérale, l’école démocratique et l’école socialiste. Cette classification, je l’avoue, ne me satisfait pas entièrement, et M. Janet ne permettra de lui soumettre le vœu qu’il n’y reste pas fidèle dans le volume qu’il se propose de consacrer aux doctrines contemporaines. D’abord, sous chaque chef, il faudrait dire les écoles au lieu de l’école ; car, partout, parmi les royalistes comme parmi les démocrates, parmi les libéraux comme parmi les socialistes, il y a diversité et même opposition de doctrines. M. Janet ne méconnaît pas d’ailleurs ces subdivisions dans le résumé qu’il donne des théories de chaque école. Il ne méconnaît pas, non plus, l’existence de groupes indépendants, qu’il est difficile de faire entrer dans sa classification.. Ainsi il mentionne les ultramontains et leurs deux sectes rivales : les autoritaires et les libéraux. L’une et l’autre procèdent du premier Lamennais et, par lui, se rattachent à l’école aristocratique et royaliste ; mais ni l’une ni l’autre n’appartiennent proprement à cette école ; car, pour elles, pour Veuillot comme pour Lacordaire, les formes politiques sont secondaires et les intérêts religieux priment tout. M. Janet mentionne également les écoles sociologiques et il en fait une branche détachée de l’école socialiste. Auguste Comte avait été, en effet, saint-simonien, mais la sociologie, telle qu’il l’a conçue et surtout telle que la professent ses successeurs, est une science entièrement distincte des théories socialistes.

Le livre de M. Janet a une autre conclusion que celle qui porte ce titre à la fin du second volume. C’est la nouvelle introduction qu’il a placée en tête du premier. Lui-même qualifie ainsi cette magistrale étude sur les rapports de la politique et du droit. Elle couronne, en effet, tout l’ouvrage, en même temps qu’elle sert de transition pour le nouveau volume qui nous est promis sur les temps contemporains. Tout l’effort de la science politique, jusqu’à la fin du xviiie siècle, aboutit à la reconnaissance d’un certain nombre de droits, d’ordre naturel, antérieurs et supérieurs aux lois écrites et où ces lois trouvent à la fois leur base et leurs limites. Ces droits ont été proclamés en France par les constituants de 1789, sous le nom de Droits de l’homme et du citoyen. Il semblait qu’ils dussent être désormais au-dessus de toute contestation ; mais ils ont été enveloppés dans ce qu’on a appelé « la banqueroute de la Révolution », et la science politique, dans notre siècle, ne s’est, au fond, pas donné d’autre objet que de les discuter en eux-mêmes et dans leurs principes. M. Janet a donc donné à ses savantes études leur conclusion naturelle en expliquant comment la question se posait pour nos pères, il y a cent ans, et comment elle se pose aujourd’hui pour nous. Comme cette étude est, dans la nouvelle édition, l’addition la plus origi-