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ANALYSES.p. janet. Science politique et morale.

philosophie morale et politique. Sous ce titre nouveau, l’ouvrage obtint une nouvelle couronne, décernée cette fois par l’Académie française. M. Janet, avec son ardeur infatigable pour le mieux, qui chez lui n’est pas « l’ennemi du bien », ne voulut pas en donner une seconde édition sans le remanier encore. Il trouvait quelque chose de trop ambitieux et d’un peu confus dans un titre et dans un plan qui embrassaient à la fois la politique et la morale. Il ne voulut conserver qu’une des deux sciences comme sujet principal, mais il garda l’autre comme point d’appui, et la nouvelle édition, refondue dans ce sens, parut en 1872, sous le titre suivant : Histoire de la science politique dans ses rapports avec la morale. L’ouvrage avait trouvé sa forme définitive et, dans la pensée de l’auteur, il n’appelait plus que des améliorations de détail et particulièrement les additions qui pouvaient être suggérées par de nouvelles études. Déjà, l’édition de 1872, malgré la simplification du titre, dépassait les proportions de celle de 1859. Celle qui vient de paraître s’est accrue d’une façon bien plus considérable encore. Dans la précédente édition, le premier volume avait xl pages d’introduction et 551 pages de texte ; le second volume, 747 pages. Dans l’édition actuelle, avec un format plus compact, le nombre des pages s’élève pour les introductions à ci, pour le reste du premier volume à 608 et pour le second volume à 779. Et cependant l’auteur a fait des suppressions. Il a retranché un demi-chapitre sur les Perses, qu’il jugeait insignifiant. Les Perses n’avaient pas, en effet, une place bien marquée dans un livre qui a pour sujet, non la politique en général, mais la science politique chez les différentes nations de l’antiquité et des temps modernes ; mais je regrette qu’ils n’aient pas été remplacés par les Égyptiens, à qui les · Grecs allaient demander des leçons de sagesse dans tous les genres et sur qui, pour la politique comme pour tout le reste, depuis l’immortelle découverte de Champollion, nous avons exhumé tant de précieuses révélations.

Les additions sont peu nombreuses et d’importance secondaire pour l’antiquité et le moyen âge. Je n’y vois guère à signaler que quelques pages excellentes sur Xénophon et sur le stoïcisme romain. Dans les temps modernes, au contraire, l’ouvrage s’est grossi de près d’un tiers, et, parmi les additions qu’il a reçues, il suffit de citer les noms suivants, qui n’avaient pas trouvé place dans la seconde édition et qui deviennent, dans la troisième, l’objet d’importantes études : Vico, David Hume, Adam Smith, l’abbé Galiani, Diderot, Helvétius, d’Holbach, les abbés Raynal et Morellet. La troisième édition, comme les précédentes, s’arrête en 1789 ; mais, dans un dernier chapitre, entièrement nouveau, elle rapproche la révolution qui se préparait en France de la révolution qui venait de s’accomplir en Amérique, et elle met en regard les publicistes qui, des deux côtés de l’Atlantique, ont exercé sur la marche des événements une influence décisive : là, Thomas Payne, Franklin, Hamilton, John Adams, Jefferson, Washington ; ici, pour ne pas dépasser le seuil même de la Révolution, Mirabeau et Sieyès.