Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 24.djvu/310

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
306
revue philosophique

et aussi avec les troubles de circulation observés dans le côté gauche du corps (p. 96).

Pour représenter physiologiquement le cas relaté par Mac-Nish, il suffirait d’apporter une légère modification aux formules précédentes et de supposer que les deux hémisphères fonctionnaient successivement, mais toujours isolément. — Pour les cas de somnambulisme ordinaire, il faut supposer une activité bicérébrale, mais d’une nature spécifique particulière, tenant le milieu entre l’activité monocérébrale de l’état de veille et l’activité monocérébrale du sommeil ordinaire. — Enfin, quand Félida passe, durant son sommeil, d’un état dans l’autre, je suppose que son activité cérébrale, sans changer de nature intime, devient, de monocérébrale, bicérébrale, ou inversement. Le sommeil ou le réveil proviennent d’un changement dans la nature de l’activité cérébrale, le passage d’un état à l’autre d’un changement d’amplitude de cette même activité. — Ce qui distingue Félida des somnambules ordinaires, c’est que, chez elle, l’activité bicérébrale n’est en aucune façon conditionnée par le mode d’activité qui correspond au sommeil, tandis que, chez le vulgaire des somnambules, il faut ce genre inférieur d’activité pour que l’hémisphère inactif s’associe momentanément à la vie de l’hémisphère actif.

Une objection très sérieuse peut nous être faite ici. Aux auteurs qui expliquaient certains dédoublements de la personnalité par l’action isolée des deux hémisphères, M. Ribot a très justement fait remarquer que la personnalité peut être triplée dans un même sujet (Maladies de la personnalité, p. 117-120). Si par hasard un somnambule extraordinaire présentait le phénomène d’une troisième condition, c’est-à-dire d’un état greffé sur la condition seconde, état le souvenir serait complet, mais dont le souvenir disparaîtrait une fois qu’il aurait pris fin, nous n’aurions pas à notre disposition un troisième hémisphère cérébral pour accommoder notre hypothèse à ce nouveau fait. Or ce phénomène d’une troisième condition s’est peut-être rencontré chez Félida. M. Azam m’a raconté verbalement que, dans les premiers mois de l’année 1879, Félida, en condition seconde, avait une fois oublié plusieurs heures de son existence ; il est vrai que la période cujus oblivio n’avait été, cette fois, ni précédée ni suivie de la courte crise de transition, analogue au petit mal épileptique, qui marque le passage de la condition première à la condition seconde et réciproquement ; malgré cette différence importante, M. Azam voyait là l’apparition incontestable d’une troisième condition. Je n’ai pas retrouvé dans son ouvrage ce fait assurément très curieux et sans doute unique dans l’histoire du somnambulisme[1]. Des doutes lui sont-ils venus ? ou bien le phénomène, ne s’étant pas renouvelé, lui a-t-il paru trop peu significatif ?

Ce n’est pas tout : voici un fait cité par M. Azam et dont je m’étonne

  1. Le « troisième état » dont il est question pages 72, 102, 155, 173, est toute autre chose.