Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 24.djvu/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
27
SEIGNOBOS.de la connaissance en histoire

sur les lois de la géographie. Par contre, une proposition en contradiction avec les lois générales de la science doit être niée, quel que soit le nombre de documents qui l’affirment. — Un fait analogue à des faits connus est plus probable qu’un fait sans analogue, et a besoin de moins fortes preuves pour être admis. On doutait des stigmates des saints du moyen âge ; on les admet aujourd’hui sans avoir eu de preuve historique nouvelle, depuis qu’on a pu observer des stigmatisés. L’histoire se fonde sur la psychologie, mais elle peut être rectifiée par toutes les autres sciences.

Tel est donc le mécanisme suivant lequel se forme toute connaissance historique. On reconstitue toute la série des opérations qui ont laissé une trace dans le document ; chacune a laissé une trace distincte qui peut servir à connaître une espèce de faits : des procédés matériels, une écriture, une langue ou des symboles, un sens littéral, des conceptions, des croyances, des impressions intérieures, des faits extérieurs. Chaque espèce de faits doit être soumise à un travail indépendant ; mais le travail comprend toujours la même série d’opérations : un raisonnement par analogie et un raisonnement par concordance.

Le raisonnement par analogie peut se formuler ainsi :

Tel phénomène contemporain dans telles conditions produit telle manifestation ;

Or telle manifestation ancienne, fixée par le document, est analogue à la manifestation observée directement et s’est produite dans des conditions analogues ;

Donc elle a eu pour cause un fait analogue au fait contemporain observé directement.

Ce raisonnement implique comme majeure un principe général induit de l’expérience, comme mineure une analogie constatée entre le document et des manifestations contemporaines observées directement. L’induction part de l’expérience, elle relie la proposition historique à la connaissance présente ; l’analogie est tirée de l’examen du document, elle relie la proposition à la réalité passée. — En pratique c’est la mineure qu’on établit d’abord : on constate la manifestation ancienne et ses conditions. Alors seulement on cherche l’induction qui servira de majeure. On peut tirer cette induction de tous les ordres de connaissance, car toute loi établie par l’observation est présumée avoir régi les phénomènes anciens. L’histoire n’a pas de lois propres ; elle prend celles que lui fournissent les autres sciences et se borne à les appliquer ; elle travaille, non à établir des lois nouvelles, mais à étendre à des faits passés les lois déjà acquises. Il faut donc que l’historien possède des connaissances de