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ANALYSES.azam. Hypnotisme, etc.

m’est offerte pour donner cette hypothèse avec quelques développements et sous la forme qu’elle aurait reçue si j’avais été amené plus tôt à la présenter moi-même. Dois-je m’excuser de m’aventurer à mon tour, après bien d’autres qu’il m’est arrivé de critiquer, dans la voie dangereuse des localisations cérébrales ? Je ne le pense pas ; car tout dépend, en pareille matière, de la méthode que l’on suit. Je ne prétends pas localiser dans une région spéciale du cerveau une opération intellectuelle déterminée, comme la mémoire ou le jugement, ce qui soulèverait les plus légitimes objections, mais simplement proposer une théorie psycho-physiologique du cas de Félida et des cas analogues, théorie qui cadre exactement avec les faits psychologiques observés, c’est-à-dire avec l’amnésie périodique des somnambules

Voici d’abord comment se définit, en termes psychologiques, le cas de Félida :

L’existence de cette personne est partagée par des évanouissements très courts en périodes. La durée de ces périodes est très inégale et n’influe en rien sur les phénomènes consécutifs. Durant les périodes paires (2e, 4e, etc.), le souvenir porte sur les périodes impaires et sur les périodes paires, c’est-à-dire sur la totalité de son existence. Durant les périodes impaires (1re, 3e, 5e, etc.), le souvenir est limité aux périodes impaires. Dans le langage adopté par M. Azam, les périodes impaires, comprenant la première période, constituent la condition première, les périodes paires, qui commencent avec la seconde, constituent la condition seconde.

Ainsi, deux états successifs, l’un cujus erit oblivio, l’autre ubi oblivio est. L’état morbide, contrairement aux apparences, est le premier, l’état des périodes paires. Il est morbide en ce sens que le souvenir en est subordonné à une condition restrictive ; il emporte en disparaissant la possibilité de sa remémoration ; la continuation ou le retour du premier état conditionnent d’une manière absolue le rappel des événements psychiques qu’il a renfermés. En résumé, l’amnésie périodique de Félida consiste dans l’interposition entre les périodes d’état psychique normal de périodes dont le souvenir est exclu par l’état normal, mais qui n’excluent pas le souvenir de l’état normal. La maladie commence avec la seconde période, et elle apparaît à partir de la troisième.

L’état anormal de Félida n’est que l’état somnambulique parvenu à une sorte de perfection et ne se distinguant plus de l’état normal que par l’amnésie qui lui succède. L’existence des somnambules ordinaires, diurnes ou nocturnes, est également partagée en périodes ; les périodes paires sont les accès de somnambulisme, et, durant les périodes impaires, périodes d’état normal, le souvenir des périodes paires est impossible. Ce qui distingue de Félida les autres somnambules, c’est que, durant les périodes paires, leur état est évidemment morbide ou anormal, tandis que le mal de Félida n’apparaît qu’après sa guérison périodique et provisoire ; plusieurs fonctions psychiques sont troublées pendant les