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diurne[1], et, de même qu’Anaximène, il conçoit cette double atmosphère comme s’étendant jusqu’à la voûte solide éthérée.

Au centre du monde et dès lors en équilibre (loi mécanique entrevue), maintenue d’ailleurs immobile par la Philotès, la terre voit passer successivement sur chacun de ses points les moitiés lumineuse et sombre de l’atmosphère ; elle est donc soumise à l’alternative du jour et de la nuit. La pression du tourbillon a amené la séparation de la terre et de l’eau (séparation qui ne pouvait être directement attribuée au mouvement), et l’eau à son tour a donné naissance à des vapeurs qui se sont répandues dans la région voisine de la terre et ont ainsi constitué l’atmosphère propre de celle-ci, qui échappe également au mouvement de révolution diurne.

Nous n’avons aucune donnée précise sur la forme qu’Empédocle assignait à la terre ; on peut croire qu’avec Parménide et l’école pythagorienne, il la considérait comme sphérique. Cependant on ne comprend guère alors comment il aurait adopté l’étrange opinion d’Anaxagore, qu’autrefois l’axe du monde était perpendiculaire à la surface plane de la terre et se serait incliné depuis[2]. On nous dit d’autre part (Stob., I, 26) qu’Empédocle n’admettait même pas pour sa voûte éthérée une forme rigoureusement sphérique, qu’il la comparait à un œuf. La raison que met en avant Ed. Zeller pour repousser cette indication n’a aucune valeur ; Empédocle pouvait, sans la moindre difficulté, imaginer le ciel comme un sphéroïde soit aplati, soit allongé aux pôles. Le texte de Stobée est trop obscur pour qu’on puisse décider entre ces deux hypothèses ; j’incline toutefois pour la seconde, parce que d’une part le πλάτος, la dimension la plus étendue, me semble indiquer la latitude, de l’autre, parce qu’un espace vide à l’équateur me paraît mieux approprié pour recevoir le Neikos, dans les idées d’Empédocle, qu’un espace vide aux pôles.

Quoi qu’il en soit, le nom du Sphéros peut être invoqué comme motif de penser qu’Empédocle croyait devoir attribuer au cosmos une forme différente, et peut-être la comparaison avec l’œuf a-t-elle son origine dans les traditions orphiques. Enfin il attribuait à la lune la forme d’un disque. Il y a donc des raisons sérieuses de douter de son.

  1. Cette explication (Plut. Strom., 10) du tourbillon cosmique n’est évidemment valable que pour l’état de choses actuel ; ainsi restreinte, elle concorde en fait avec celle que nous avons proposée.
  2. D’après Karsten, il ne s’agirait, pour Empédocle, que de l’inclinaison de l’axe du monde sur l’écliptique. Si le texte des Placita (II, 8) est en réalité obscur, il se rapporte évidemment à une explication mécanique supposée pour l’hypothèse imaginée par Anaxagore et dont ce dernier n’avait pas rendu compte. Il n’y a, ce me semble, aucune raison pour supposer qu’Empédocle ait, à son tour, imaginé une hypothèse toute différente.