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la naissance du mariage (Die Geschlechtsgenossenschaft der Urzeit und die Enstehung der Ehe, 1875). — L’origine du droit (Der Ursprung des Rechts, 1876). — Les commencements de la vie de l’État et du droit (Die Anfange des Staats und Rechtslebens, 1878). — Matériaux pour une science générale du droit sur la base de l’ethnologie comparée (Bausteine für eine allgemeine Rechtswissenschaft auf vergleichend ethnologischer Basis. 2. vol. , 1880-1881). Enfin en 1884 parut l’ouvrage dont nous avons parlé plus haut. : Les fondements du droit et les traits généraux de son développement historique (Die Grundlagen des Rechts und die Grundzüge seiner Entwickelungsgeschichte).

Ce livre débute par quelques généralités sur le droit et les mœurs qui ne sont pas la meilleure partie de l’ouvrage, où d’ailleurs elles occupent peu de place (1 à 30). Tout le reste est plein de faits et de vues intéressantes. L’auteur y distingue les principaux phénomènes juridiques et en trace à grands traits l’évolution. Malheureusement ces analyses ne peuvent guère être résumées ; car il ne s’en dégage qu’un bien petit nombre de conclusions générales. L’auteur s’attache presque uniquement à nous raconter les transformations successives par lesquelles a passé le droit. Or la science des mœurs ne doit pas se confondre avec l’histoire des mœurs où elle puise sa matière. Décrire l’évolution d’une idée ou d’une institution, ce n’est pas l’expliquer. Quand nous savons dans quel ordre se sont succédé les phases qu’elle a traversées, nous ne savons pas quelles en sont les causes ni la fonction. Sans doute, chemin faisant, M. Post nous indique bien les raisons des transformations qu’il expose ; mais il ne peut le faire que d’une manière hypothétique et sans précision. Car pour établir avec quelque rigueur un rapport de causalité, il faut pouvoir observer dans des circonstances différentes les phénomènes entre lesquels il est présumé ; il faut pouvoir établir des comparaisons méthodiques. Mais on ne peut comparer des phénomènes que s’ils sont tous réunis dans le champ du regard de la conscience, et par conséquent situés sur un même plan. L’histoire, parce qu’elle dispose les faits en séries linéaires et les échelonne sur des plans différents, rend impossible toute comparaison. Tout occupé à distinguer les phénomènes les uns des autres et à marquer à chacun d’eux sa place dans le temps, l’historien perd de vue ce qu’ils ont de semblable. Il n’aperçoit que des événements particuliers qu’il enchaîne les uns aux autres ; mais alors, restant dans le particulier, il ne fait pas œuvre de science.

Le rôle du moraliste est de briser ces longues chaînes de phénomènes, d’en rapprocher les anneaux même quand ils seraient séparés