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tion sexuelle, c’est qu’ils augmentent, par une sorte d’illusion psychique, l’importance de l’organe auquel ils servent de parure ; la bague a pour but d’attirer l’attention sur le doigt, le bracelet en fait autant pour le poignet, et le collier pour le cou ; tous ces faits concordent entre eux et s’enchaînent. Bref, en peut poser comme règle générale que les fétichistes recherchent tout ce qui peut augmenter le volume physique ou l’importance de l’objet matériel qu’ils adorent.

L’usage du fard et du maquillage est un dernier exemple de cette même tendance. Son but est en effet d’exagérer certaines parties du visage par des contrastes de couleur. La raie charbonnée dont les femmes galantes se soulignent l’œil, comme les écrivains soulignent un mot important, a pour effet d’agrandir l’organe et de faire ressortir la blancheur de la cornée. On ne peut pas s’empêcher de songer au fétichisme lorsqu’on voit sur les monuments égyptiens ces yeux de femme que le kohl entoure d’une large bande noire. Beaucoup de personnes désapprouvent le maquillage comme elles désapprouvent l’abus des parfums ; ces artifices peuvent en effet manquer de bon goût, mais ils ne manquent pas toujours d’utilité, car ils ont une action incontestable sur les sens de l’homme.

En résumé, le goût byzantin du luxe, l’outrance des modes, et l’abus du maquillage, sont des formes différentes d’un besoin unique, le besoin si fréquent à notre époque d’augmenter les causes d’excitation et de plaisir. L’histoire et la physiologie nous apprennent que ce sont là des marques d’affaiblissement et de décadence. L’individu ne recherche avec tant d’avidité les excitations fortes que quand son pouvoir de réaction s’abaisse.

Nous venons de voir, par plusieurs exemples, que, dans les cas où le fétichisme amoureux a pour objet une partie du corps d’une personne vivante, le fétichiste n’a de regards et d’amour que pour cette partie du corps ; souvent il lui sacrifie tout le reste ; et, comme conséquence, il recherche tout ce qui peut augmenter la dignité de son fétiche. Ce n’est pas tout encore. Il nous reste à signaler un des caractères les plus importants du fétichisme amoureux. La contemplation ou la palpation de la chose aimée, que ce soit un œil de femme, ou une oreille, ou un objet inerte, est accompagnée d’une excitation génitale intense, si intense et surtout si agréable que chez beaucoup de sujets elle paraît dépasser le plaisir normal qui accompagne le coït. Cet amour hors nature a une tendance à produire la continence ; disons mieux, il produit une impuissance de cause psychique. On n’a qu’à parcourir les observations précédentes : on y verra que la plupart des fétichistes sont des con-