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société de psychologie physiologique

résolution. Au réveil, survenu par ablution du visage avec l’eau froide, il se sent sous une influence singulière, il éprouve l’envie de vomir.

Un flacon bouché, d’alcool à 90º, est ensuite présenté : sommeil immédiat ; interpellé, il se lève et marche sans titubation ; on débouche le flacon ; aussitôt, il chancelle et reproduit la scène classique de l’ivresse.

Quelques gouttes d’eau de laurier-cerise lui sont appliquées sur le cou : il accuse un goût amer, grincements de dents, trismus, raideur du tronc, ébauche d’un accès de convulsions, puis sommeil pendant lequel il conserve un demi-état d’engourdissement général.

Pour éviter le reproche de suggestion que l’on fait volontiers à celui qui dirige des expériences, avec le désir de les voir réussir, nous les avons fait souvent exécuter par des collègues, qui, pas plus que nous, ne connaissaient le médicament employé. M. Thomas, médecin en chef de Saint-Mandrier, a bien voulu prendre part à ces expériences. Le 24 avril, après la suggestion faite comme je l’ai indiqué précédemment, il présente à distance un flacon, dont il ignorait le contenu : angoisse, vertige, nausées, vomiturations, sueurs, pouls s’élevant à 84º.

La substance employée était une solution de pilocarpine.

Un autre flaçon produit un sentiment de chaleur, des étouffements, un goût amer abominable, un spasme pharyngien et des secousses du diaphragme ; il contenait de la noix vomique en poudre.

L’ipéca amène la nausée ;

La valériane, des sensations de mauvaise odeur et de mauvais goût, suivies d’un sommeil très calme.

La cocaïne, après avertissement que l’effet se produirait dans l’œil, a amené une cuisson de l’organe avec larmoiement, de la dilatation de la pupille et peut-être un peu d’anesthésie locale.

Nous devons faire remarquer que ces expériences ne sont pas, à beaucoup près, aussi probantes que celles de MM. Bourru et Burot, et cela pour plusieurs raisons : notre sujet se fatiguait très vite. Après deux ou trois essais différents dans une même séance, il ne donnait plus de réaction spéciale, et les substances appliquées ne causaient plus que deux phénomènes : soit la nausée, soit le sommeil. Il ne fallait donc essayer chaque jour que deux ou trois substances. Mais au bout de sept à huit jours, les expériences sont devenues négatives.

Une autre objection qu’on peut nous faire, c’est que nous avons été obligé de faire intervenir la suggestion dans cet ordre de recherches. Nous avons pourtant cherché à nous mettre à l’abri de ce reproche, en faisant une suggestion banale et constante (sauf pour la cocaïne), et en faisant faire les applications de médicaments ignorés par divers confrères, alors que nous quittions nous-même la salle.

Il est démontré, pour nous, que notre sujet a manifestement éprouvé les effets d’un certain nombre de médicaments appliqués à distance.

Transposition des sens. — Nous n’avons abordé cette série d’expériences qu’avec défiance de nous-même, du sujet, et de l’entourage. Toutefois le modus faciendi éloignera, je pense, toute suspicion de