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ANALYSES.hoffding. Esquisse d’une psychologie.

une introduction immédiate à la philosophie, ce qui impose certaines conditions à la méthode à suivre dans l’exposition. Le problème est donc celui-ci : « Comment rendre notre psychologie scientifique et vraiment contemporaine, libre de toute métaphysique — qui, quoique bonne en son lieu, n’est pas à sa place en psychologie — et en même temps en faire une introduction à la philosophie en général ? » M. Dewey s’est proposé d’atteindre ce double but et, selon notre jugement, avec succès.

Après une partie préliminaire consacrée à la nature et à la méthode de la psychologie et aux modes d’activité de l’esprit, le livre forme trois grandes divisions : connaissance, sentiment, volonté.

La première partie, de beaucoup la plus étendue, traite : 1o des éléments de la connaissance (sensation) ; 2o du processus de la connaissance (perception, association, dissociation, rétention) ; 3o des stades de la connaissance (perception, mémoire, imagination, pensée, intuition). Le chapitre consacré à l’intuition est à proprement parler le seul qui, dans ce traité, soit orienté dans un sens purement philosophique.

La deuxième partie, consacrée aux sentiments, est moins bien ordonnée, comme d’ailleurs dans toutes les psychologies sans exception. Voici les titres des divisions sentiment sensoriel, formel ; développement du sentiment sous le rapport de la qualité ; sentiments intellectuels, esthétiques, personnels.

La troisième partie (volonté) étudie d’abord les réflexes, les actes instinctifs, suit le développement de la volonté et la considère comme pouvoir de contrôle d’abord physique, ensuite purement pratique (prudential), enfin moral.

Le livre est écrit avec beaucoup de clarté. L’exposé de chaque question est suivi d’une bibliographie complète, impartiale, c’est-à-dire qu’elle permet de connaître et de comparer toutes les opinions. Ce traité, comme celui d’ailleurs dont nous allons parler, présente une qualité précieuse, inconnue en France dans les traités classiques, même les meilleurs c’est qu’il est un exposé scientifique des questions dans leur état actuel, débarrassé de tout fatras historique, de l’énumération fastidieuse d’opinions surannées qui ne sont bonnes qu’à intéresser les érudits. Sur les questions controversées, qu’on ne peut exclure (par exemple la genèse des notions de temps et d’espace), l’auteur, bien qu’il marque ses préférences, indique sobrement les deux thèses rivales et résume leurs arguments. Il compris que, même dans un manuel, la situation actuelle de la psychologie impose impérieusement une nouvelle manière de l’exposer.

Th. Ribot.

Höffding (Harald), Psychologie in Umrissen auf Grundlage der Erfahrung (Esquisse d’une psychologie sur les bases de l’expérience),