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remarquer que la musique, le bruit d’un piano dans le voisinage amenait un assouplissement des muscles. Le son d’un piano put amener un quart d’heure de liberté et permettre à la malade de manger ; il fallait y ajouter le son d’un violon pour qu’elle pût parler, le chant de la voix humaine avait plus d’influence encore. Bientôt, l’influence de la musique s’usa comme celle des passes ; il fallut essayer d’autres excitants sensoriels, l’odeur de l’ammoniaque d’abord, puis la douleur causée par les pointes de feu qui eurent le même genre d’influence, mais à un degré plus faible. Cette maladie singulière usa l’emploi de tous les moyens ; elle ne s’atténua peu à peu qu’après de longues années et aujourd’hui encore, après vingt-quatre ans de maladie, Mme X… est forcée de respirer sans cesse de l’ammoniaque pour conserver en partie la liberté de ses mouvements : les jambes sont encore restées contracturées.

Il y a certainement une différence dans le cas de Mme X… et les expériences de M. Féré : les excitations sensorielles ont à triompher ici d’une contracture et non d’une simple paralysie. Malgré cela, on ne peut nier qu’il n’y ait entre les deux observations de grandes analogies, et quant à moi j’ai cru trouver dans ces recherches nouvelles l’explication de ces phénomènes en apparence extraordinaires. C’est dans ce cas-là plus que jamais que l’organisme semble une machine extrêmement délicate qui a besoin de recevoir des forces de l’extérieur avant de les transformer en mouvements musculaires. Le livre de M. Féré n’est donc pas purement théorique et ses observations ne portent pas sur des faits artificiellement suggérés. Il y a dans l’état maladif et dans l’état normal des faits analogues, et par l’explication qu’il en donne, M. Féré a rendu service à la médecine et à la psychologie.

Pierre Janet.

J. Dewey, Psychology, in-12, New-York, Harper. 427 pp.

Ce livre a été écrit pour l’usage des classes. L’auteur, professeur à l’Université de Michigan, le dit expressément dans sa préface, où il expose avec beaucoup de justesse les difficultés que présentent les traités de ce genre. « Tant que la psychologie a été pour une bonne part un mélange de logique, de morale et de métaphysique, la seule chose possible c’était d’offrir ce mélange avec quelques extraits de l’histoire de la philosophie. Les anciens traités n’avaient pas à s’inquiéter de l’attitude à prendre quant aux principes philosophiques, car ce n’est que récemment que la psychologie a réussi à prendre une position indépendante. » Certains livres laissent de côté toutes les considérations purement philosophiques et s’en tiennent aux faits de la psychologie scientifique. C’est un avantage ; on se débarrasse ainsi d’un grand nombre de questions qu’on relègue dans la métaphysique. Mais l’auteur fait remarquer que dans son pays (comme chez nous) la psychologie est considérée comme