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zones dynamogènes, les impressions auditives, les impressions visuelles dont les effets dynamiques varient suivant la coloration et vont en diminuant du rouge à l’orange, au vert, au bleu, au violet, les saveurs, etc., en un mot, toutes les sensations produisent une augmentation de la puissance motrice. Il semble que ces sensations fournies par les différents organes des sens aient une commune mesure dans l’accroissement de la pression musculaire. On ne discute plus pour savoir si les hallucinations sont de la même nature que les sensations, mais il est encore question de leur intensité : M. Féré montre que les hallucinations des hystériques hypnotisées augmentent la pression dynamométrique de la même manière que les sensations correspondantes. Ajoutons que des modifications circulatoires sont parallèles à ces modifications dynamiques et que le volume des membres varie comme leur force avec les sensations qui traversent la conscience. On comprendra alors que « chaque fois qu’un centre cérébral entre en action, c’est tout l’organisme qui est excité… ce n’est pas seulement le cerveau, c’est tout l’être qui pense. » Cette excitation générale tantôt augmente seulement la tension de la force motrice, tantôt provoque des mouvements involontaires, inconscients, une sorte d’écriture automatique de notre pensée ; quelquefois elle est si forte qu’elle produit l’impulsion et le spasme que le sujet ne peut arrêter.

Si la pensée a cette influence sur la force motrice, inversement le mouvement des membres peut augmenter ou diminuer la pensée. On connaît ces personnes qui, pour s’exciter à penser, marchent à grands pas et font de grands gestes. D’un autre côté, tout obstacle au mouvement extérieur est capable de produire une obnubilation de la sensation. La compression d’un membre peut, chez une hystérique, affaiblir la sensibilité de tout un côté du corps. Si la force motrice a été épuisée par une excitation très forte, il en résulte une anesthésie et une paralysie, et c’est par cet épuisement consécutif à une trop forte excitation que M. Féré explique bien des paralysies qui peuvent arriver jusqu’au sommeil complet.

Aux expériences que je viens de résumer, M. Féré ajoute bien des considérations qui semblent se rattacher plus ou moins facilement aux faits précédents. Nous ne ferons que signaler les principales questions qu’il effleure ainsi à notre avis beaucoup trop rapidement. Nous remarquons une explication du sommeil hypnotique par l’épuisement consécutif à une excitation trop forte, une théorie sur le phénomène du transfert, des remarques curieuses sur la psychologie du fœtus, une supposition ingénieuse et dans bien des cas très vraisemblable à propos de la suggestion mentale que l’auteur examine sans parti pris, des remarques sur les expressions de la physionomie, sur la nature du plaisir, sur l’origine des sentiments sympathiques et même sur plusieurs problèmes de morale et de politique.

J’avoue que cette dernière partie du livre me paraît moins intéressante que la première. Toutes les questions y sont traitées, si je puis