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ANALYSES.ch. féré. Sensation et mouvement.

avec plaisir, comme une heureuse tentative, le petit ouvrage du Dr Féré. Ce livre est formé par la réunion de plusieurs articles publiés dans cette Revue et de communications faites à la Société de psychologie physiologique et à la Société de biologie. De là peut-être le caractère un peu décousu de l’ouvrage et l’absence d’une doctrine générale. Mais ces défauts sont peut-être inhérents à la méthode elle-même et une énumération de faits ne peut avoir l’unité d’une construction a priori : l’auteur nous dit lui-même qu’il n’a pas encore voulu faire un exposé didactique de ses recherches, mais qu’il a préféré exposer les expériences dans l’ordre où elles ont été faites. Considérons donc son livre comme un recueil de faits et comme un exemple de ce que peut nous apprendre l’expérimentation pratiquée de toutes manières sur les questions psychologiques ; s’il peut paraître incomplet, c’est qu’il n’est, nous l’espérons, qu’une introduction à des études plus étendues.

Il est toujours si difficile de mesurer la quantité des phénomènes de conscience, que l’on a pu mettre en doute l’existence même de cette quantité. Comme ces faits ne sont ni simultanés ni superposables, on a de la peine à se faire une idée de leur égalité ou de leur grandeur. M. Féré propose un moyen de tourner la difficulté : au lieu de mesurer directement le fait de conscience, ne peut-on mesurer un autre phénomène, celui-là visible et tangible, qui serait lié au premier et lui serait proportionnel ? Or, il y a des faits de ce genre : « Les excitations périphériques et les phénomènes psychiques qui en sont la conséquence s’accompagnent de manifestations motrices que l’on peut mettre en évidence même par des procédés grossiers quand on se place dans des conditions favorables d’expérimentation. » En effet, les mouvements des membres, par exemple la contraction plus ou moins forte des doigts, peuvent être mesurés et enregistrés, quoique avec quelque incertitude, par le dynamomètre ou le dynamographe ; s’ils sont réellement proportionnels aux phénomènes psychologiques, leur étude nous fournira un moyen nouveau de calculer la pensée.

Certaines observations générales montrent d’abord que la puissance de contraction des mains dans l’effort instantané augmente avec la violence des passions, avec le degré de l’attention, avec la culture des facultés intellectuelles. Mais des expériences plus précises sur des sujets prédisposés, chez lesquels les phénomènes nerveux sont pour ainsi dire grossis, montrent une corrélation plus étroite. L’énergie d’un mouvement semble être en rapport avec l’intensité de la représentation mentale de ce mouvement. Tout ce qui accentue l’idée, comme des essais préalables de mouvement, l’attention portée sur la main, la vue d’une personne exécutant le geste, ou simplement la vue d’un objet en rotation, tout cela augmente l’énergie de la pression mesurée sur le dynamomètre. C’est une sorte d’induction psycho-motrice qui fait naître un mouvement chez une personne à la simple vue de ce mouvement. Bien plus, d’autres excitations de la conscience sans rapport apparent avec le mouvement ont un effet analogue : la pression sur certaines