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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Ferraz. — Histoire de la philosophie en France au xixe siècle. Spiritualisme et libéralisme. 1 vol.  in-8o. Paris, Perrin. 1887.

M. Ferraz vient de mettre la dernière main au monument qu’il élève depuis dix ans à la philosophie française du xixe siècle. L’œuvre entière comprend trois volumes, dont le premier, Socialisme, naturalisme et positivisme, a paru en 1877, et le second, Traditionalisme et Ultramontanisme, en 1880. Les lecteurs de la Revue connaissent déjà les deux premiers par les excellentes analyses de MM. G. Compayré et L. Dauriac[1] ; je me propose d’étudier brièvement le troisième, qui est consacré au Spiritualisme et au Libéralisme, tout en regrettant de ne pouvoir dans une simple analyse examiner dans son ensemble et dans ses belles et harmonieuses proportions l’œuvre définitive. « Que vous avez tardé, grand jour ! » s’écrie Michelet quand il aborde l’histoire de la Révolution, M. Ferraz a dû éprouver une émotion de ce genre en commençant l’histoire d’une doctrine qu’il a vécue et dont il pourrait dire, en dépit de sa modestie, quorum pars magna fui. On sent à chaque ligne sa vive sympathie pour les systèmes qu’il expose, mais on s’aperçoit vite aussi qu’il est de ceux qui écrivent non pour prouver une thèse, mais pour raconter fidèlement la vérité. Il aime ce passé si près de nous, mais il n’est nullement le laudator temporis acti dont parle le poète. Son impartialité et sa parfaite sincérité ne sont pas discutables, et, malgré ses convictions bien arrêtées et ses sympathies hautement avouées, il sait placer à propos certaines critiques discrètes qui montrent bien qu’il ne jure sur la parole d’aucun maître et n’est inféodé à aucun parti. De là le charme de son livre ; on se laisse conduire avec confiance par un guide qui connaît à merveille les régions qu’il nous fait parcourir, les décrit avec une chaleur communicative et n’essaye jamais de forcer notre admiration. Cette étude consciencieuse, analytique dans sa forme, complète heureusement l’incomparable synthèse de M. Ravaisson ; relire le fameux Rapport après avoir lu les trois volumes de M. Ferraz, c’est se donner le spectacle d’un magnifique mouvement d’idées et se convaincre que notre siècle philosophique français est digne des siècles

  1. Revue philosophique, T. IV, p. 430 et T. X, p. 547.