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H. NEIGLICK.loi de weber et contraste lumineux

bien convaincu, cette rectification faite change-t-elle bien quelque chose au fond de la question ? Dire qu’une excitation doit être passée à l’état de sensation avant de devenir susceptible de contraste, n’est-ce pas dire que l’apparition même de ce phénomène suppose une autre action subie déjà par l’excitation, voire sa perdition progressive d’intensité exprimée par la loi de Weber ? Or, dire que de deux phénomènes l’un suppose l’autre, n’est-ce pas dire aussi que ce sont là deux phénomènes bien différents l’un de l’autre ?

Nous croyons donc, malgré les raisons qu’a fait valoir M. Wundt au profit de sa thèse et malgré les coïncidences frappantes parues au cours de notre recherche, devoir nous attacher à l’opinion ordinaire qui voit deux choses distinctes dans la loi de Weber et celle du contraste. Ce que nous ne croyons pas, par exemple, c’est être à la portée de l’épineux problème sur les rapports de ces deux phénomènes. Ce n’est donc qu’en fait de présomption toute modeste que nous nous permettons de toucher, avant de terminer notre article, au côté théorique de la question. Comme l’a montré longuement M. Wundt dans sa Psychologie physiologique, le contraste, réduit à son expression psychologique, n’est qu’une face de la loi générale de relativité dominant notre conscience entière. Nous ne connaissons point nos sensations séparées l’une de l’autre, nous ne les connaissons que telles qu’elles sont dans leur ensemble momentané ; la même sensation prend des aspects différents selon les différents ensembles dont elle fait partie. Parler d’une mesure absolue des sensations, ou de sensations soustraites à l’action du contraste, serait donc parler d’abstractions. Cela est vrai à tel point qu’au fond il ne faudrait même pas dire que le contraste a lieu entre les sensations elles-mêmes. La sensation à l’état actif, étant par cela même soumise à la loi de relativité, implique déjà l’action du contraste. Mais si l’on relègue ainsi le contraste à la dernière étape du processus sensitif, si l’on en fait le passage des sensations de l’état potentiel à l’état actuel ou, pour parler avec M. Wundt, de l’état perçu à l’état aperçu, ne serait-il pas possible d’entrevoir en même temps le rapport qui rattache la loi du contraste à la loi psychophysique et les causes qui l’en séparent ? Si le contraste n’est que la modification mutuelle subie nécessairement par les sensations s’entre-choquant dans la conscience, le domaine de la loi psychophysique ne pourrait-il bien être plus reculé, comprendre le chemin parcouru par chaque excitation particulièrement ? Après tout, serait-ce autre chose que prendre à la lettre ce que dit M. Wundt lui-même en parlant de ce qui doit s’être accompli avant que l’action du contraste puisse commencer ?

Enfin, nous savons bien qu’ici les présomptions ne valent pas grand chose et que, pour résoudre ces questions, il n’y a guère qu’une seule voie possible, celle de l’expérience. Or, en psychophysique, le dernier mot de l’expérimentation est bien loin d’être dit.

Hjalmar Neiglick.