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trouvée à leur simple moyenne arithmétique. Nos expériences ne font donc qu’affirmer la loi de Weber dans son expression la plus générale : pour qu’une excitation soit sentie, elle doit être d’autant plus forte que l’excitation à laquelle elle s’ajoute est plus forte. Or, le contraste au contraire ne diminue pas les différences, il les augmente ; c’est là précisément son caractère propre.

Nous pouvons donc dire que la loi de contraste n’entre en jeu que la réduction faite et que, par conséquent, elle se rapporte aux sensations seules, non aux excitations. C’est à la suite de ces considérations qu’il nous a semblé inévitable de distinguer entre deux phénomènes, s’entrecroisant pour ainsi dire dans l’ensemble du processus sensitif, mais non identiques, la loi psychophysique et la loi du contraste.

Nous savons bien que telle n’est pas la thèse acceptée par M. Wundt. Dans un article paru dans la même livraison des Philosophische Studien que notre compte rendu, il a bien voulu soumettre les résultats de nos expériences à un examen critique dont voici en quelques mots la conclusion. Certaine série géométrique d’excitations provoquant d’un côté des différences égales de sensation, de l’autre des contrastes égaux, ces deux phénomènes ne semblent être au fond que des expressions différentes d’un seul et même fait. Or, la loi selon laquelle un pareil rapport existe entre l’excitation et la sensation, c’est précisément la loi de Weber. Le contraste lumineux ne serait donc qu’une espèce de revers de cette loi. À ce point de vue, nos « différences défavorables » pourraient bien n’être défavorables au contraste que par cela même qu’elles le sont (par des causes qui restent à pénétrer) à la loi de Weber. Si au contraire on séparait avec nous le contraste de la loi de Weber, en le faisant agir à côté de celle-ci, une pareille distinction ne pourrait évidemment se faire, sans supposer à la loi du contraste une fonction très compliquée et par trop invraisemblable. Les raisons qui nous avaient cependant déterminé à ne pas identifier les deux lois, M. Wundt les réfute en nous battant avec nos propres armes. Il fait valoir que, les phénomènes de contraste se rapportant précisément aux sensations et non aux excitations, la contradiction que nous avons voulu voir entre les deux phénomènes en question n’est qu’apparente. Elle disparaît dès qu’on complète la loi du contraste par cette condition générale : que deux sensations, pour entrer en contraste, doivent déjà différer, qu’à plus forte raison les excitations correspondantes doivent différer aussi, et, pour mieux préciser, différer selon les proportions indiquées par la loi de Weber.

Hâtons-nous d’avouer qu’en parlant de contradiction entre la loi de Weber et la loi du contraste, nous nous sommes servi d’une expression inexacte et grosse de malentendus. Comme le remarque très justement M. Wundt, il n’y a en effet rien de contradictoire à ce que les excitations, avant de devenir capables d’entrer en contraste mutuel, aient subi telles autres modifications, c’est-à-dire soient devenues des sensations. Seulement, et c’est ici ce qui nous empêche encore d’être