Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 24.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
revue philosophique

4o Même inférence pour passer du symbole à l’image qu’il représente :

Tous les dessins que nous connaissons ont pour cause une image mentale.

Tel dessin ancien est analogue à un dessin moderne.

Donc il a eu pour cause une image mentale analogue.

Entre le dessin d’autrefois et l’image mentale d’autrefois on présume le même rapport qu’entre les dessins contemporains et les images mentales contemporaines. Si ce rapport avait varié, les dessins d’autrefois ne nous donneraient aucun renseignement. Ils n’en donnent que parce que nous pouvons les comparer à des dessins modernes analogues.

5o Du signe écrit au son, on raisonne de même. On voit qu’un groupe de traits exprime toujours un certain son ; quand on trouve un groupe analogue dans un document, on admet que l’auteur a voulu rendre le même son. Toute lettre est liée à un son par un rapport constant ; apprendre à lire une écriture, c’est apprendre la loi de ce rapport. Le déchiffrement repose donc encore sur un raisonnement par analogie, dont voici la forme :

Quiconque, sachant tel système d’écriture, écrit telle lettre N, s’est représenté tel son N.

La lettre à déchiffrer est semblable à cette lettre N.

Donc celui qui l’a écrite a pensé à ce son N.

La conclusion n’est valable que si l’induction est certaine et l’analogie exacte. Or il n’est pas certain qu’un signe soit toujours employé avec son sens habituel ; dans un cryptogramme, chaque lettre reçoit une valeur nouvelle, l’auteur fait une convention particulière contraire aux conventions ordinaires de la lecture, aussi les inductions de l’alphabet ne peuvent-elles servir à déchiffrer un cryptogramme. — Ces inductions sont insuffisantes aussi, quand un même signe est employé pour représenter différents sons. C’est le cas des abréviations ; une même lettre P désigne le son p ou le mot Publius, ou le mot Pater. Il faut une induction nouvelle pour fixer le sens convenu du signe. On la tire des cas semblables où le mot, au lieu d’être représenté par une lettre douteuse, est exprimé par un signe certain. Pour compléter un mot abrégé trouvé dans une formule, on attend d’avoir trouvé une formule identique où le mot soit écrit en toutes lettres. L’analogie entre les deux formules autorise à remplacer les lettres qui manquent dans la première. Ce principe a mis fin à l’épigraphie fantaisiste du xviiie siècle et établi des règles certaines pour la lecture des sigles latins. — On procède de même pour restituer une inscription mutilée : une mutilation n’est qu’une