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LES CONDITIONS PSYCHOLOGIQUES DE LA CONNAISSANCE EN HISTOIRE[1]


V

Avant de classer les vices de méthode historique, il faut préciser ce qui constitue en science un vice de méthode. — Il n’est pas nécessaire qu’une affirmation soit démontrée fausse pour être une affirmation illégitime. C’est une faute non seulement d’admettre une proposition dont le contraire est certain, mais d’affirmer comme certaine une proposition qui ne l’est pas ; car ce qui constitue la science ce n’est pas le contenu de la proposition, c’est le jugement qu’on porte sur cette proposition. Les historiens sont trop enclins à ne voir un vice de méthode que dans une opération qui mène à une proposition démontrée fausse ; ils regardent à peine comme illégitime d’affirmer une proposition sans pouvoir la démontrer.

Chacune des opérations que j’ai décrites peut être l’occasion d’un vice de méthode. Le travail suppose deux opérations préalables : observer la forme matérielle du document, déterminer sa provenance. Donc deux espèces de fautes : vices dans l’observation matérielle, vices dans la détermination de la provenance. — Chaque espèce de faits comporte une espèce de recherches, donc une espèce d’erreurs (erreurs sur les procédés, l’écriture, la langue, le sens littéral, le sens figuré, les conceptions, les croyances, les faits extérieurs). — Chaque recherche comporte plusieurs opérations ; autant d’opérations, autant de vices de méthode : accepter pour principe général une induction fausse, admettre à tort une analogie entre les conditions où s’est produit le document et le cas prévu dans le principe général, admettre comme certaine une conclusion douteuse en voulant conclure avant d’avoir réuni plusieurs conclusions concordantes, admettre à tort la concordance.

  1. Voir le numéro précédent de la Revue.