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qu’on les trouve sur le visage de gens haut placés. Ici encore, c’est la coutume qui pétrit nos goûts ; la coutume, c’est-à-dire les associations d’idées qui se répètent fréquemment.

L’influence de l’association des idées sur l’histoire sexuelle de certains malades n’est pas une hypothèse ; elle apparaît à la lecture de quelques-unes des observations précédentes. Notre étude sur ce point aura donc une base matérielle[1].

Parmi les causes du fétichisme amoureux, on pourrait signaler encore l’instinct de la génération. Schopenhauer prétend que la recherche amoureuse d’une forme particulière du corps est déterminée par l’instinct de la génération ; cet instinct, aussi intelligent qu’inconscient, pousserait l’individu à contracter une union propre à sauvegarder l’intégrité du type. C’est ainsi que les petits hommes aimeraient surtout les grandes femmes. Dans cette hypothèse, les faits de perversion s’expliqueraient par les déviations de cet instinct de sélection sexuelle.

Il y a certainement beaucoup de grandeur dans cette conception de l’instinct, considéré comme le génie qui veille à la conservation de la pureté de l’espèce. L’explication du reste ne nous paraît pas invraisemblable. Malheureusement, ce sujet est encore si obscur qu’il vaut mieux l’abandonner pour le moment à la poésie et au roman. On ne connaît rien de bien net sur les affinités électives.

II

Dans tous les genres de fétichisme passés en revue jusqu’ici, le culte s’adresse à une fraction de la personne, ou à une émanation de la personne. Dans les exemples qui vont suivre, le culte s’adresse à un simple objet matériel. Nous nous enfonçons dans la pathologie.

Il n’est pas difficile de montrer que l’amour normal conduit à une certaine recherche des objets matériels. Les preuves de cette idolâtrie amoureuse qui, plus que toute autre, mérite le nom de fétichisme, pourraient être fournies par la lecture du premier roman venu. Mantegazza, parlant des « sublimes puérilités de l’amour », dit que « dans le reliquaire de l’amour il y a place pour les choses les plus gracieuses comme les plus grossières. J’avais un ami, ajoute-t-il, qui pleurait de joie et d’attendrissement durant des heures en contemplant et en baisant un fil de soie qu’elle avait tenu dans ses mains, et qui était pour lui son unique relique d’amour.

  1. Nous trouverons plus loin d’autres observations où le rôle de l’association des idées est bien plus manifeste.