Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 24.djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
revue philosophique

gion, M. Wundt les étudie-t-il sous la forme relativement parfaite à laquelle elles arrivent chez les peuples civilisés. Posée dans ces termes, la question ne comporte qu’une solution. Si toutes les religions et toutes les morales forment une seule même espèce et poursuivent un seul et même but, il faut bien que ce but recule à mesure que nous nous en rapprochons si l’on ne veut pas admettre qu’un jour viendra où la vie s’arrêtera, le progrès étant consommé. Mais si la conséquence s’impose, il n’en est pas de même des prémisses. Il y a autant de morales que de types sociaux, et celle des sociétés inférieures est une morale au même titre que celle des sociétés cultivées. Chaque peuple ou du moins chaque espèce de peuples a sa fin, dont elle se rapproche plus ou moins jusqu’au jour où une autre espèce vient qui prend sa place et se propose une fin nouvelle. Le but où nous marchons n’est donc pas à l’infini, si éloigné qu’il paraisse. Si aujourd’hui notre idéal semble moins prochain qu’il n’était autrefois, c’est qu’il réclame, pour être réalisé, plus d’efforts et plus de temps ; si nous le voyons moins clairement, c’est qu’il est plus complexe. Mais il n’est pas indéterminé pour cela ; la faute en est à nous, non à la nature des choses.

(La fin prochainement.)
E. Durkheim.