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pagnée d’une croyance, l’auteur affirme la réalité de sa conception ; telles sont les expositions de doctrines religieuses, elles manifestent les croyances de l’auteur. 3o La croyance est accompagnée de la conscience, d’un état d’esprit, l’auteur affirme un fait psychologique qu’il constate en lui ; telles sont les relations d’impressions personnelles ; elles manifestent la conscience qu’a l’auteur de ses états d’esprit. 4o L’acte de conscience est accompagné de la notion qu’il est produit par une cause venue du dehors, l’auteur affirme un fait extérieur ; tels sont les récits de témoins oculaires, ils manifestent les perceptions de l’auteur. — Dans tous ces cas, le document est le résultat d’une opération de l’esprit, conception, croyance, souvenir, affirmation. Ce sont quatre opérations de plus en plus complexes, car chacune implique toutes les précédentes. Dans les trois premiers cas le document n’est le produit que de l’état d’esprit de l’auteur, il peut nous éclairer sur cet état, il ne nous apprend rien sur le monde extérieur. Dans le dernier cas, quand l’auteur a eu une perception, le document entre en communication avec le monde extérieur, puisqu’il a pour cause un phénomène psychique produit lui-même par un fait du dehors, il peut donc apporter quelque enseignement sur le monde matériel où s’est trouvé l’auteur. Mais cet enseignement sera très indirect ; car dans le document la forme seule est accessible à l’observation. Même sur un fait matériel passé, le document ne fournit que les impressions d’un auteur à partir du fait matériel, c’est-à-dire de purs phénomènes psychologiques. Je prends un exemple très simple. Un ami m’écrit : « Il pleut. » Sa lettre est un fait matériel qui me permet de remonter au fait matériel de la pluie, mais elle n’est ni le produit ni même le signe de ce fait. Elle n’est le produit que du mouvement de la main de mon ami ; elle n’est le signe que de la représentation qu’il a eue de la pluie. Cette représentation était probablement accompagnée d’une croyance qui était probablement produite par une perception ; il est probable que mon ami avait regardé par la fenêtre et vu la pluie. Mais on voit combien d’intermédiaires séparent la lettre que j’ai lue de la pluie qu’a vue mon ami, et tous ces intermédiaires sont des actes de l’esprit. Les historiens sont enclins à prendre un document pour le produit immédiat du fait qu’il mentionne et à le traiter comme un signe direct de ce fait ; l’illusion est facile à expliquer : on voit au point d’arrivée un document matériel, on sait que le point de départ a été un fait matériel, on les rapproche en oubliant les faits psychologiques qui les séparent, ce sont des faits qu’on ne voit pas et dont on est peu habitué à tenir compte. Un document symbolique n’est jamais le produit que d’un fait psychologique. Un fait matériel