Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 24.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
revue philosophique

connaître ; la seconde est, d’après son objet, illimitée ou comprenant toutes choses, d’après son mode de connaissance, elle est limitée. La mathématique fait appel tantôt à la connaissance non sensible ou philosophique, quelquefois à l’expérience ou aux sens, quelquefois enfin à la connaissance sensible et à la connaissance non sensible. La philosophie est, quant à son objet, la science des êtres (Wesenwissenschaft), la science des entités (Wesenheitwissenschaft), la science des êtres et des entités ; elle est mathématique en tant qu’elle étudie certaines entités, comme la grandeur, la forme et le limité. La philosophie et la mathématique se confondent par certains côtés et se distinguent par certains autres : la mathématique, par sa partie la plus élevée, par son mode de connaissance, est une partie de la philosophie, une partie de la métaphysique ou de la science qui sert de fondement à la philosophie. La philosophie embrasse toutes choses, elle doit examiner toutes les entités qui font l’objet de la mathématique ; elle doit donc en partie être, d’après son objet, essentiellement mathématique.

Hermann Sachller. Les concepts de l’espace et du temps. — Sous ce titre, Sachtler donne les fondements et une brève exposition d’une philosophie nouvelle.

Julius Nathan. Les concepts imaginaires. — Les mathématiciens ont depuis longtemps admis dans la science les concepts du négatif et de l’imaginaire. Il est inexplicable qu’on n’ait pas reconnu l’importance de ces concepts dans les autres sciences où ils jouent un rôle fort important. Les concepts imaginaires ont plus d’importance en physique qu’en mathématiques. Le physicien part d’une matière étendue et divisible ; le chimiste, d’atomes indivisibles ; l’un et l’autre partent donc de concepts imaginaires, car il est logiquement impensable que la matière soit divisible à l’infini.

Le concept imaginaire paraît avoir pour caractères, dans le domaine des recherches physiques : 1o d’être impensable ; 2o d’exister non seulement dans notre esprit, mais encore dans les φαινόμενα ; 3o de servir comme principe méthodologique, comme principe explicatif d’un nombre plus ou moins grand de phénomènes.

Ce n’est pas seulement dans les sciences physiques et dans les mathématiques que l’on trouve des concepts imaginaires ; on s’en sert aussi dans les sciences morales (Geisteswissenschaften). Ainsi le droit privé repose sur la proposition fondamentale, Volenti non fit injuria, qu’un juriste défendra en disant qu’elle seule rend possible la constitution d’un système de droit individuel (Privatrecht).

Le logicien et le philosophe qui ne veulent pas convenir qu’il peut exister des concepts imaginaires dont on peut faire usage, se mettent en contradiction avec les faits, car les mathématiciens se sont acquis un nouveau domaine avec des concepts de cette espèce. Mais quelle est la valeur de ces concepts au point de vue de la théorie de la connaissance ? Un concept a toujours dans ce cas une valeur positive s’il