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SEIGNOBOS.de la connaissance en histoire

ment n’en est pas la cause immédiate, il ne l’a produit que par une série de causes intermédiaires. C’est cette série qu’il faut reconstituer pour voir dans quelle mesure le document est lié au fait et peut servir à le connaître. Je fais cette analyse à partir du document en remontant la chaîne des opérations nécessaires pour le produire.

Tout document symbolique se traduit par un phénomène physique, il prend la forme de traits gravés ou tracés. Un trait a pour cause un acte humain, physiologique en tant qu’il exige un mouvement, psychologique en tant qu’il suppose l’idée du signe. C’est cet acte double qui crée une communication entre le monde extérieur auquel appartient le document et le monde intérieur auquel appartient l’acte d’intelligence. La représentation intérieure qui a produit l’acte de l’auteur peut être ou la représentation d’une image ou la représentation d’un son ; si la représentation est une image visuelle, le document sera un symbole figuré (tableau ou bas-relief) ; si la représentation est une idée abstraite, le symbole correspondra à l’idée par une image de convention, il sera un signe idéographique (comme les chiffres arabes) ; si la représentation est un son articulé, le symbole ne sera que le signe d’un signe, le son représenté par la lettre n’étant lui-même que le signe d’une idée (on aura un signe phonétique). Directement ou par l’intermédiaire des mots, le document a toujours pour cause une idée de l’auteur. Cette idée a pu être une conception sans aucun jugement, la conception est alors la cause la plus éloignée que l’analyse puisse atteindre. Si la conception était accompagnée d’une croyance, le document peut avoir eu pour cause la croyance ; la croyance peut elle-même avoir eu pour cause une perception, et la perception peut avoir eu pour cause un fait extérieur qui a fait impression sur l’esprit de l’auteur. Ainsi le document a toujours pour cause un état d’esprit, et cet état peut avoir eu pour cause un phénomène extérieur.

On peut maintenant se représenter comment naît un document symbolique. Un homme conçoit une idée, il la transforme soit en un dessin mental, soit en une série de mots qu’il transforme en une série de lettres, puis il trace par une opération physique le dessin ou les lettres. Tel est le mécanisme commun à toute création de document. Mais l’état d’esprit qui sert de point de départ peut être le produit d’un plus ou moins grand nombre d’opérations ; la connaissance à tirer du document différera suivant le nombre de ces opérations. Voici la série des cas : 1o L’acte générateur du document est une conception pure, l’auteur se borne à reproduire ses images ; tels sont les dessins et les poèmes fantastiques, ils ne manifestent que les conceptions du dessinateur ou du poète. 2o La conception est accom-