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sujet il demande trois choses : qu’elles viennent à leur place, comme faisant partie de la culture générale, non comme tenant lieu de tout ; qu’elles soient enseignées comme les langues vivantes, c’est-à-dire d’abord empiriquement, selon une méthode pratique qui mette vite à même de les bien lire ; enfin, qu’au lieu d’être prise pour une fin en soi l’étude du latin et du grec soit regardée comme un moyen, le meilleur si l’on veut, d’affiner l’esprit, de former le goût et de faire pénétrer dans le passé glorieux de notre espèce. D’une manière plus générale, il proteste énergiquement contre le défaut d’unité du système d’instruction partout adopté, contre la séparation artificielle que nous mettons entre les divers degrés d’enseignement, surtout entre le primaire et le secondaire. Passe encore que l’enseignement supérieur soit mis à part : il constitue comme un luxe pour une élite d’esprit. Sa méthode n’est pourtant pas autre, au fond, que celle qui convient à tous les degrés : observation directe, libre discussion, libre recherche ; mais enfin, il a affaire à des esprits formés, en droit de choisir leur voie et avides de s’engager dans des études spéciales. L’enseignement secondaire, au contraire, continue purement et simplement le primaire. Tous deux ensemble ont pour objet la culture générale, avec cette seule différence que l’un la pousse plus loin que l’autre : l’idée d’en faire deux types de culture radicalement distincts est absurde, comme si le savoir le plus humble n’était pas un échelon nécessaire pour s’élever au-dessus. De même, la division des écoles secondaires en deux types, Realschulen et gymnases, est fausse et serait parfaitement inutile s’il était bien entendu qu’il ne s’agit que d’éducation générale, toute instruction spéciale (scientifique ou littéraire, industrielle ou philologique) ne venant qu’après, renvoyée soit à des écoles spéciales soit aux universités.

Sur cette vue d’ensemble, très juste selon nous, et développée avec une conviction communicative, notre auteur se met bravement à esquisser, à développer même tout un projet de réforme de l’enseignement, tout un plan d’études. Il prend l’enfant à huit ans, commencement, selon lui, de l’âge proprement scolaire (quoique un certain travail préparatoire puisse et doive avoir lieu dès la 6ª année dans la famille, ou, pour les enfants pauvres, dans des salles d’asile d’un type nouveau, imitant absolument la famille), et il le mène jusqu’à dix-huit ans. Ces dix années, qui forment autant de classes, sont divisées comine il suit : degré inférieur, quatre années, de huit à douze ans ; degré moyen, quatre années, de douze à seize ans ; degré supérieur, deux années, de seize à dix-huit. Au premier degré, on s’applique essentiellement à mettre l’enfant en possession des instruments généraux d’étude (Lernwerkzeuge), des conditions de toute culture ultérieure. Ce sont : la langue maternelle avant tout (lue, écrite, parlée avec facilité et correction), le dessin, presque aussi utile que l’écriture, le calcul, le chant, l’habileté manuelle, enfin la vigueur physique, que donne la gymnastique discrètement mêlée aux libres jeux. En même temps, on enseigne les connaissances (Wissensgegenstände) les plus générales