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ANALYSES.lœwenthal. Hygiene des Unterrichts.

c’est l’activité, et ses lois les plus fondamentales, ce sont celles de l’activité, dont la première est qu’elle se fortifie et se perfectionne en s’exerçant. M. Lœwenthal parle bien à deux ou trois reprises de la vertu de l’exercice comme cause de développement ; mais c’est d’une manière accessoire, en mêlant toujours plus ou moins cette considération à sa théorie de la digestion intellectuelle, laquelle est, au contraire, secondaire à nos yeux et ne devrait venir qu’en seconde ligne. Il ne suffit pas au corps de digérer pour avoir toute sa vigueur et pour valoir tout ce qu’il doit : encore moins cela suffit-il à l’esprit. La grande affaire pour l’esprit n’est pas de savoir beaucoup et même bien, c’est de penser juste. Qu’il soit vif, alerte, attentif aux choses, prompt à en saisir les vrais rapports, on le tiendra sans peine quitte du reste. Cet idéal est celui de M. Lœwenthal comme le nôtre, et c’est pourquoi précisément nous regrettons que ses métaphores médicales l’aient trahi. À force de les tirer toutes de la physiologie de la digestion, il se donne la mauvaise apparence de réduire l’éducation intellectuelle à une question d’alimentation mentale, ce qui n’est point son intention. Pourquoi donc parler comme si l’école n’était qu’une sorte de réfectoire intellectuel, où il suffit que l’enfant trouve, selon la formule consacrée, une nourriture saine et abondante, toujours servie à point et en rapport exact avec son appétit ? Digérer, encore une fois, n’est pas toute la santé : les règles du boire et du manger ne sont pas toute l’hygiène. Après cela, cette unité de point de vue, tout excessive qu’elle est, donne beaucoup de force à la pensée de notre auteur. Ses sept leçons laissent une impression nette.

Elles contiennent tant de choses qu’il ne peut être question d’en donner ici tout le compte rendu. On y remarquera d’abord le procès fait aux écoles secondaires d’Allemagne, gymnases et Realschulen. Le gymnase, en particulier, dont on ne parle guère chez nous qu’avec engouement et envie, est dénoncé avec la dernière vivacité comme ayant organisé en quelque sorte ce qu’il y de plus contraire à la vraie culture générale, l’indigestion grammaticale et philologique et la diète systématique de toutes connaissances naturelles. Jamais tableau plus noir n’a été fait, ni ne saurait l’être, de nos lycées, de la pauvreté des résultats qu’ils donnent. Non content d’accuser le gymnase de n’être qu’une école spéciale pour l’étude des langues anciennes et l’érudition linguistique, M. Lœwenthal l’accuse, preuves en main, et à grand renfort de statistiques, de n’apprendre, au bout du compte, ni le latin, ni le grec, ni les langues vivantes, pas même, surtout pas, la langue maternelle. Les personnalités ne lui font pas peur. Pour répondre à un personnage officiel qui, dans un discours académique, avait fait l’apologie de la culture classique telle que la donnent les gymnases en disant qu’elle apprend seule à penser nettement et à bien écrire, il n’hésitera pas à citer une page de ce savant homme comme un parfait modèle de galimatias allemand.

Ce n’est pas qu’il soit hostile aux langues anciennes ; mais à leur