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ANALYSES.lœwenthal. Hygiene des Unterrichts.

assez loué sa langue pour que je m’abstienne d’en faire d’autre éloge.

Si M. Saltus est le désenchanté que nous connaissons[1], son pessimisme est d’un homme qui sait vivre, pessimisme de bon ton, à l’usage des gens très cultivés et des heureux de ce monde. Il traite le mystère des choses avec le même sans gêne que les abbés de cour du xviiie siècle parlaient de leurs croyances vieillies.

À la fin du grand voyage, il nous pousse dans l’abîme noir, et son livre se termine par ce paragraphe :

« La nature, qui est inconsciente dans son immoralité, séduisante dans sa beauté, sauvage dans sa cruauté, royale dans sa prodigalité, et effrayante dans ses convulsions, n’est pas seulement sourde, mais muette. Elle ne répond à aucun appel. Le mieux que nous puissions faire, et qu’on ait jamais fait, est de reconnaître le caractère implacable des lois qui gouvernent l’univers, et de contempler avec tout le calme possible la nécessité qui nous a fait naître et nous fera disparaître. Notre seule consolation, bien qu’elle puisse encore être illusoire, consiste en cette croyance que la crainte et l’espérance finissent quand vient la mort. Alors l’étonnement cesse ; l’inconnaissable ne nous tourmente plus ; l’espace est dissous ; l’infini est vide ; la farce est jouée. »

Lucien Arréat.

M. Lœwenthal. — Grundzüge einer hygiene des unterrichts. Wiesbaden, J. H. Bergmann, 1887, in-8o, VIII-152 p.

Il y a bien des choses dans cent cinquante pages, et si la lecture en est parfois sévère, on ne regrette pas sa peine après les avoir lues. L’auteur, professeur à l’académie de Lausanne, médecin, je crois, et en même temps pédagogue d’une expérience consommée, médite une œuvre plus vaste, une Hygiène générale de l’éducation ; mais ayant eu l’occasion de faire à Genève en 1884, puis à Berne plus récemment une série de leçons publiques sur une partie déterminée de son sujet, l’Hygiène de l’enseignement, il a cédé à l’invitation qui lui a été faite de publier ces leçons, telles quelles, sans plus attendre. Elles forment un tout, en effet, et bien qu’au nombre de sept seulement, elles sont si pleines que personne ne refusera à l’auteur l’honneur d’avoir contribué pour sa part, par cet important et très sincère effort, à élucider ce grand problème de notre époque, qui partout se pose de même et en même temps : asseoir sur une base vraiment scientifique la réforme nécessaire de l’instruction.

Cette base scientifique, c’est, selon M. Lœwenthal, la médecine qui la fournit : peut-être eût-il dit plus exactement la biologie, car il entend non la science des maladies, encore moins l’art de guérir, mais la connaissance générale des lois et conditions du développement

  1. Voir le numéro de janvier 1886. Philosophy of Disenchantment.