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III. — Encore une monographie critique, et dont le titre est assez alléchant : l’origine du principe de causalité. Rien de neuf, assurément, et beaucoup de points contestables, dans les théories adoptées plutôt qu’émises par l’auteur. Mais cette étude se recommande par la concentration de l’analyse dans un sujet très spécial, et par les tendances, les vues, les conclusions, malgré tout, expérimentales.

L’origine du principe de causalité a donné lieu à trois solutions différentes : celle de l’école empirique, celle de l’école écossaise et celle de l’école aprioristique. La première, avec Hume, donne à ce principe une origine empirique : l’expérience de l’habituelle succession des phénomènes. La seconde affirme, avec Reid, qu’il dérive de la relation perçue entre la volonté et nos mouvements, entre la volonté et nos idées. La troisième, avec Kant, fait de ce principe un principe a priori de l’esprit humain. Il y a, d’après M. Cesca, trois éléments à distinguer dans ce principe : la notion de cause, la tendance instinctive qui nous pousse à l’appliquer, l’application même que nous en faisons aux phénomènes. L’école écossaise a très bien expliqué, selon lui, l’origine de ia notion de cause ; elle y voit, non plus une succession inconditionnée et invariable, mais quelque chose de plus, la notion de pouvoir résultant de a conscience de notre effort volontaire. M. Cesca fait pourtant remarquer que si nous sommes directement conscients de la relation qui existe entre la volonté et nos idées, nous ne le sommes qu’indirectement de celle qui existe entre la volonté et les mouvements. À l’école empirique appartient l’honneur d’avoir expliqué la genèse du principe de causalité, qui nous fait appliquer la notion de cause aux phénomènes externes et internes. Cette école soutient, en effet, que l’expérience de la succession nous excite à l’application de cette idée, en vertu de l’analogie et de l’anthropomorphisme essentiels à notre nature mentale. Quant à notre tendance instinctive à rechercher la cause de tout phénomène, elle est antérieure à notre tendance développée, mais elle n’a rien d’a priori. Elle correspond d’ailleurs à quelque relation objective : la matière des phénomènes montre un lien tel que la relation causale peut seule l’expliquer. Partout où nous voyons des phénomènes en succession constante, nous supposons entre eux dépendance, force et mouvement. Ce sont les facteurs réels et objectifs qui, agissant sur l’unité synthétique de la conscience, produisent ces représentations. Le principe de causalité n’est donc ni une pure fiction, ni un simple produit de notre tendance anthropomorphique, mais la transcription idéale d’un processus analogue qui a lieu réellement dans le monde des phénomènes.

Cette explication du principe de causalité ne me paraît pas de tout point exacte. L’analyse de la doctrine de Hume est fort incomplète. Avant l’école écossaise et Maine de Biran, Hume avait parlé de cette notion de pouvoir incluse, d’après ces philosophes, dans la notion de cause, et il en avait donné une explication psychologique. M. Cesca paraît l’ignorer. En outre, il a recours, pour appuyer sa démonstration,