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ANALYSES.caroli. Sul metodo nella scienza del pensero.

vée dans tout acte de doute ou de négation qu’on lui oppose. Ce caractère n’appartient qu’à elle, il la distingue de toutes les autres forces naturelles. Un second caractère propre à la pensée, c’est qu’elle se représente elle-même et les autres forces avec leurs effets et leurs mutuels rapports, et que sa représentation est accompagnée d’affirmation (l’auteur aurait pu dire de croyance certaine). Se représenter et affirmer la réalité de l’objet représenté, tel est l’acte premier, essentiel, spécial, constant de la force pensante.

Par cette détermination de sa méthode, qu’il appelle avec raison naturelle, l’auteur se met en dehors de toute hypothèse métaphysique. Son point de départ est concret, réel, contestable seulement aux yeux des esprits systématiques. L’emploi du mot force n’a rien ici d’abstrait et d’hypothétique : quoi qu’on pense de l’essence et de la genèse de la pensée, l’homme est un être pensant, il y a en lui une faculté de pensée, une force pensante. Il ne peut venir à l’esprit de personne de nier l’existence de cette faculté. Au surplus, relativement à cette manière d’envisager la pensée, selon les propres mots de l’auteur, « toutes les autres questions de psychologie expérimentale ou mathématique restent ouvertes, intactes, et abandonnées à toutes les hypothèses ou recherches possibles, comme matière future d’affirmations ou de négations décisives. »

Le premier acte, l’acte fondamental de la pensée est donc d’affirmer l’existence réelle des objets qui se présentent à l’expérience, pour en former des images, des notions, des idées. La plupart des philosophes donnent à cet acte le nom de perception intellectuelle. Remarquons ici qu’il y a lieu de distinguer la connaissance de l’intime essence des objets réels et la pure affirmation de leur existence réelle. La première connaissance de l’extériorité peut très bien exister sans une seconde plus parfaite. De la confusion entre les deux est né le doute idéaliste. M. Caroli combat fortement cette supposition présentée par certains comme une certitude, que la pensée humaine connaît seulement l’apparence, la représentation pure, et rien de l’être en soi, de la réalité objective. À quoi il répond : « rien de l’essence, passe encore ; mais rien de l’existence, c’est certainement faux. » L’auteur fait pourtant une grosse concession aux idéalistes, en affirmant que nous ne savons, que nous ne pouvons rien savoir de l’essence des choses. Mais leur essence, c’est leur réalité, dont la perception nous fait saisir successivement les modes, dans les limites imposées par notre organisation à notre connaissance. Je félicite, d’ailleurs, l’auteur d’avoir dissipé, avec sa logique de sens commun, tout cet amas de métaphores et de subtilités dont la métaphysique a recouvert ce fait d’évidence vulgaire : que la perception représente et affirme l’être réel. L’homme connaît la réalité, et ne connaît que la réalité. Purs jeux de mots que la transcendantale distinction entre phénomènes et noumènes. « L’affirmation, la négation, le doute, sur quoi que ce soit, n’est-ce pas déjà un acte réel, subjectif pour qui le fait, objectif pour qui l’écoute ? » Aussi bien