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quelque maladie. L’organisation du caractère n’est jamais complète.

Nous aurions maintenant à nous occuper du rôle particulier que jouent les phénomènes affectifs en général dans la formation du caractère et de la personnalité, effectué selon les lois dont je viens de parler.

Il est facile, à priori, si l’on envisage le développement général de l’homme et non tel ou tel individu en particulier, de comprendre que ce rôle doit être considérable. En effet le phénomène affectif se produisant dans les conditions que nous avons déterminées tout à l’heure, nous voyons que toutes les fois qu’une nouvelle tendance commencera à s’établir, comme elle rencontrera généralement des obstacles, elle commencera par donner lieu à des phénomènes affectifs, pour peu qu’elle ait quelque intensité, de plus, comme il arrive souvent que la force des besoins croît plus vite que ne se développent les moyens de la satisfaire, il y a bien des chances pour que la tendance physiologique s’accompagne pendant longtemps d’émotions et de sentiments. De la sorte, les sentiments et les émotions se retrouvent presque toujours à quelque degré à l’origine de nos habitudes, alors même que ces habitudes ont fini par devenir presque machinales, et le caractère acquis étant un ensemble d’habitudes physio-psychologiques, on voit que les sentiments et les émotions déterminent ou plus exactement accompagnent souvent la formation du caractère. L’expérience confirme généralement ces déductions. Il est bien rare que, lorsque le caractère se modifie, l’origine de cette modification ne soit pas marquée par des phénomènes affectifs très forts, douleur, amour, orgueil offensé, déceptions, indignations, etc. Ces phénomènes ne sont pas la cause du changement de caractère, ils sont l’expression psychique soit du changement lui-même, soit de la cause du changement, mais on les découvre presque toujours.

Les actions et les réactions des diverses tendances les unes sur les autres sont trop compliquées pour qu’on puisse espérer en indiquer toutes les lois autres que les plus générales. Nous voyons très bien, par l’observation, par l’expérimentation quelquefois, comment par exemple les caractères se déforment et se reforment sous l’influence de plusieurs tendances différentes et comment, dans des circonstances différentes, des tendances opposées peuvent amener des résultats analogues.

On sait, et cela est facile à observer, qu’un acte isolé est déterminé souvent par une tendance, par un trait de caractère qui tend généralement à faire commettre des actes d’un caractère opposé. La peur fait parfois commettre des actes qui exigent un certain courage. Si l’on suppose des faits de cette nature répétés plusieurs fois, petit