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ANALYSES.e. vacherot. Le nouveau spiritualisme.

les sensations et les images » (p. 238). L’espace n’est que le rapport de mouvements dont les forces sont les seules causes. Cette réduction de la matière à la force semble à M. Vacherot la conclusion nécessaire de la science. « La métaphysique fait de la force une cause, du mouvement mécanique un mouvement final. Toute force, qui est en même temps une cause finale, sort du domaine de la fatalité pour entrer dans le monde de la Providence » (p. 251). Ainsi ce n’est que par les révélations de l’expérience intime qu’on détermine la vraie notion de la matière, en définissant la notion de la force. Loin de contredire la science, la métaphysique l’achève.

Les principes de M. Vacherot nous permettent de prévoir ce que sera sa théorie de l’âme. « La science a prouvé que l’homme est un et que la vie est une ; » par des faits précis elle a établi entre le physique et le moral une correspondance inconciliable avec le dualisme cartésien. Le raisonnement est ici d’accord avec l’expérience : comment entendre l’action réciproque de l’étendu et de l’inétendu ? Faut-il donc ne voir dans l’âme qu’une unité collective, transformée en une unité réelle par une illusion subjective et nécessaire ? En admettant qu’un phénomène de pensée, de volonté, de sensation, que la conscience nous montre simple, soit un composé, « cette unité de composition ne peut s’expliquer que par une puissance personnelle qui en réunit tous les éléments, de manière à en faire ce faisceau que brise la science par l’analyse » (p. 259). Mais M. Vacherot n’a que faire de raisonner, puisque, selon lui, la conscience n’atteint pas seulement les actes du moi, « puisqu’elle atteint le moi lui-même, le saisit dans sa nature une, identique et libre » (p. 263). Il y a là une révélation directe « sans aucun mélange d’induction ou de raisonnement, une expérience véritable qui donne au spiritualisme l’autorité de la science. Cette unité réelle de l’âme n’est pas d’ailleurs une exception dans la nature, où toute réalité est une dans sa variété, multiple dans son unité. Dans un monde où tout est force, l’âme spirituelle n’est pas dépaysée ni étrangère. « Pourquoi l’amour est-il l’âme en quelque sorte de la vie morale ? C’est qu’il est, plus que toute autre, une force intime à la nature humaine, disons plus, à toute nature vivante, à toute nature réelle. C’est qu’il n’est pas seulement un mode, une propriété, une faculté de l’être ; il est le fond de l’être, l’être lui-même. Que nous dit la métaphysique, éclairée par la lumière de la conscience ? Que l’être est tout entier dans cette activité finale mise en mouvement par l’attraction du Bien : force pure dans le monde de la mécanique, instinct dans le monde de la vie, amour dans le monde de l’humanité » (p. 286).

Arrivons à Dieu. Dans le livre de « la Métaphysique et la Science » la théologie de M. Vacherot reposait sur la distinction de l’infini et du parfait. Le parfait n’existe pas, l’idéal n’est pas le réel. L’Être infini existe, parce qu’il est impossible de concevoir qu’il n’existe pas. Après l’être il y a l’être, la pensée se refuse au néant. Le vrai Dieu, c’est le parfait, c’est l’Idéal qui n’a d’existence que par la pensée qui le crée.