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CH. FÉRÉ. — sensation et mouvement

sur les mouvements adaptés de la langue et sur les organes des signes. Elle peut aussi rendre compte de la persistance de la mimique des membres qui, la plupart du temps sans signification, est moins un adjuvant qu’un excitant de la fonction du langage. Et enfin elle indique que la prédominance fonctionnelle du membre supérieur droit, qui a son centre moteur dans l’hémisphère gauche du cerveau et la localisation de la fonction du langage à gauche, n’est pas une simple coïncidence ; mais qu’il y a entre ces deux faits une relation de cause à effet. C’est parce qu’il s’est servi d’une manière prédominante de son bras droit, pendant une longue suite de générations, que l’homme parle avec son cerveau gauche.

Les expériences et les observations qui précèdent montrent que l’excitation psychique en général se traduit par une exagération de l’énergie motrice appréciable au dynamomètre, lorsqu’on se place dans certaines conditions favorables d’expérimentation. Il ressort en outre de nos expériences sur les mouvements passifs que certaines excitations périphériques portant sur le sens musculaire ont une action analogue, mais qui, au lieu d’être générale était plus ou moins limitée suivant que l’excitation a été plus ou moins limitée elle-même et plus ou moins forte.

D’autre part, si pendant une ou deux minutes, on fait, avec la main qu’il s’agit d’éprouver, une série de mouvements de flexion à vide, le dynamomètre trahit bientôt une augmentation de la force de pression.

Cette observation concorde bien avec la remarque faite par la plupart des expérimentateurs qui se sont occupé de dynamométrie, à savoir que la seconde pression est, en général, plus forte que la première ; la première pression a pour effet de renforcer la représentation mentale du mouvement. L’habitude instinctive de s’étirer les membres a pour but de réveiller le sens musculaire et joue le même rôle.

Ces observations nous montrent que lorsqu’un membre est mis en action, le mouvement qu’il soit volontaire (actif) ou provoqué (passif), détermine sur le centre moteur cérébral de ce membre une action dynamogène qui s’étend aux centres voisins. Chez certains individus peu sensibles aux excitations intellectuelles, on peut exagérer l’énergie de la pression manuelle en leur faisant faire un exercice violent de tout le corps.

Il est légitime de soupçonner que la paralysie du même centre est susceptible de développer une action inhibitoire corrélative ; on comprendrait ainsi comment, même en l’absence de dégénération descendante bilatérale, « toute lésion destructive des régions motrices du cerveau produit un affaiblissement musculaire dans les quatre membres[1] » ; M. Brown-Séquard a déjà fait valoir cette interprétation à plusieurs reprises devant la Société de Biologie.

  1. Pitres, Note sur l’état des forces chez les hémiplégiques (Arch. de Neurologie, 1882, t.  IV, p. 40).